La ronde des saisons
Etalez une contrée vaste comme un océan. Parsemez-la d’immenses forêts et de milliers de lacs. Ajoutez une nature sauvage qui y respire en toute liberté. Avec un pinceau, tracez un fleuve large comme un province, puissant et dangereux et vous aurez une terre de contrastes où chaque année voit vivre quatre véritables saisons. Ces saisons sont les partitions sur lesquelles le grand ordonnateur s’appuie pour faire vibrer la nature et par là même, le cœur des hommes et surtout le mien. Il palpite rien qu’à se rappeler… Et si « je me souviens » est la devise du Québec, elle est devenue mienne, lorsque je suis devenue sienne.
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Saint-Laurent depuis l'ile d'Orléans |
Un de ses fils disait : « Mon pays ce n'est pas un pays… c'est l'hiver ». Mais pas un hiver comme le nôtre qui n’est pas vraiment là et qui dure parfois douze mois. Un véritable hiver, avec de la neige et du froid, des températures qui flirtent avec le presque impossible à vivre mais que l’air sec rend pourtant supportable. Et dès le premier flocon, lorsque tout est devenu immaculément blanc, que la terre a revêtu sa pelisse d’hermine, on prend le temps de chausser ses raquettes à neige faites de bois et de cordes, d’enfiler tuque et mitaines pour partir dans la poudreuse et découvrir les forêts infinies, totalement préservées où l’impression d’être le premier à fouler le sol vierge recule sans cesse. Dans les bois, tout est calme, reposé, on entend à peine, dans le lointain, l’appel d’un animal, le grattement d’un autre qui cherche un peu de nourriture. Soudain, c’est un oiseau qui s’élance dans le bleu du ciel. Ce ciel par où arriveront les oies blanches annonciatrices du retour du printemps. La saison toute neuve où la nature reprend son cycle immuable. Elle dure ici à peine quelques semaines. Les jours allongent. La lumière devient plus intense. Les températures augmentent avec parfois quelques ratés, de nouvelles bordées de neige mais bien vite oubliées lorsque la glace se brise et libère les eaux, que la neige fond et dévale pentes et collines vers le fleuve qui se gonfle. Toute la vie endormie se réveille brutalement. Bourgeons, feuilles et premières fleurs encore toutes chiffonnées du grand sommeil sortent leurs petites têtes de leurs bonnets serrés. Quelques trilles encore enrouées s’élèvent. Les oiseaux déploient alors des trésors de séduction pour leur belle, plumages de noces, parades nuptiales, baisers et caresses jusqu’à la saison nouvelle. L’été, épanouissement des forces vitales de la terre bref et éphémère qui conduit vers le fléchissement des rayons du soleil et le raccourcissement des jours. L’été, tout de vert paré, tacheté dune myriade de couleurs de toutes sortes, exhale l’odeur des bois inviolés. Dans cet éden végétal, l’œil ne sait où se poser. Il photographie des dizaines de formes et de couleurs. Il caresse des pétales et des corolles. Il frôle les troncs et les tiges. Etre là, c’est se croire, pour un instant un jardinier de l’exceptionnel, artisan de la beauté, artiste de l’éphémère. Et puis au détour d’un chemin, des suisses. Ils filent entre les jambes s’amusant des cris des surprise et revenant sur leur pas pour mieux jouir du spectacles d’adultes qui s’extasient. Qui n’en a jamais vu ne peut comprendre. Ils sont le charme incarné par leur taille petite, leurs flancs, leur croupe et leur queue d'une vive teinte roussâtre. Cent vingt-cinq grammes de couleurs : dos rayé de bandes noires, grises et blanches, la tête brune, grise et chamois, le ventre blanc et les pattes brunes.
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Feuille d'érable - Montréal |
Sous la caresse des rayons du matin, dans la chaleur de l’astre à midi, au coucher flamboyant, les bêtes sauvages font leur apprentissage et attendent l’automne.
On le reconnaît par un brusque réchauffement, l’été des indiens… S’ensuit alors pendant quinze jours une débauche de couleurs, l’embrasement des feuilles qui de vertes deviennent rouge orangé et jaune d’or. Le meilleur artificier du monde ne peut rivaliser avec tant de beautés. L’automne c’est le temps de l’enchantement d’une volière immense lorsque les oies se posent au Cap Tourmente avant de s’en aller jusqu’au printemps prochain. La boucle est bouclée… Il n’y a plus qu’à recommencer.
Chacune des saisons a ses coups d’éclat, puis ses moments de langueurs pendant lesquelles la faune et la flore savent marier leurs désirs et leurs besoins. Chacun des saisons forme l’un et la nature toute entière nous réapprend que le multiple peut très bien s’accommoder de l’unité.
Hommes nous avons oublié que tout n’est qu’un. Qu’il n’y a pour la nature pas de différences entre les jaunes et les noirs et les blancs, entre les juifs, les chrétiens et les musulmans.
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Oies blanches vers la réserve du cap Tourmente |
La Nature, trésor inépuisable des couleurs et des sons, des formes et des rythmes, modèle inégalé de développement total et de variation perpétuelle, la Nature est la suprême ressource ! Olivier Messiaen
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