Signification
L'expression "Passer du coq à l'âne" signifie passer brusquement d'un sujet de conversation à un autre sans lien logique avec ce qui était dit auparavant. Sans transition ni liaison. Tenir des propos incohérents. C'est une façon de décrire une conversation décousue, où les interlocuteurs "sautent" d'un sujet à l'autre.
Origine et évolution historique
L'origine de l'expression n'est pas unique, et plusieurs théories, parfois légendaires, se sont mélangées au fil du temps.
La théorie du latin "aquae" et "ane" :
C'est la théorie la plus communément admise. Elle ne fait pas directement référence aux animaux (coq et âne) mais à une déformation phonétique.
Au Moyen Âge, il existait une expression latine : "ab hoc et ab hac" (qui signifie "de ceci et de cela"). Elle désignait le fait de parler de tout et de rien.
L'expression a évolué en français populaire en "parler d'aquer et d'asne", puis "d'aquer et d'asnon" (petit âne). "Aquer" serait une déformation du mot latin "aquae" (eaux).
Avec le temps, et par une sorte de "contamination" sémantique, le mot "coq" (qui se prononçait autrefois "co" ou "coc") a été substitué à "aquer" ou à une autre forme phonétique proche, créant ainsi l'expression telle que nous la connaissons aujourd'hui. L'âne est resté.
Le mystère de l'étymologie
Malheureusement, aujourd'hui, le pourquoi de l'âne opposé au coq s'est complètement perdu et il semble n'exister aucune explication réellement satisfaisante de la présence de ces deux animaux dans l'expression.
L'hypothèse de Duneton
Duneton, sans pouvoir en apporter de preuve, évoque une possible confusion entre l'âne et la 'cane' (la femelle du canard), parce que, jusqu'à la fin du XIIIe siècle, l'âne désignait la cane. Mais l'asne (le baudet) se prononçant de la même manière, puis se transformant ensuite en âne, c'est lui qui serait resté dans les mémoires.
L'ancienne version de l'expression (avec 'saillir') aurait alors évoqué des rapports bizarres entre un coq et une cane, mais sans qu'on puisse vraiment établir un lien avec la signification qui nous en reste.
La théorie de la fable médiévale :
Certains pensent que l'expression pourrait venir d'une ancienne fable ou d'une histoire populaire où un coq et un âne, qui n'ont rien en commun, se rencontrent et ont une conversation absurde et sans lien. Cette théorie est moins solide historiquement mais a contribué à populariser l'image des deux animaux.
La théorie du saut :
Une autre explication, plus figurative, est que l'expression évoque un saut impossible, un non-sens. Le coq est un animal domestique, souvent associé à la ferme et au lever du jour. L'âne est un animal de bât. Il n'y a pas de lien naturel entre les deux, et "passer de l'un à l'autre" sans transition est une métaphore d'une incohérence. Le verbe "passer" prend ici le sens de "sauter par-dessus".
Variantes
- "Sauter du coq à l'âne" (ancienne forme)
- "Saillir du coq en l'asne" (forme du XIVe siècle)
Exemples d'usage
- "Vous passez du coq à l'âne !"
- "Désolé tous le monde, je passe du coq à l'âne"
- "L'intervieweur, visiblement mal préparé, passait constamment du coq à l'âne, empêchant l'invité d'exprimer clairement ses idées."
- "On parlait de nos vacances en Espagne, et tout à coup, il a commencé à parler de la météo en Antarctique ! Il passe vraiment du coq à l'âne."
Équivalents dans d'autres langues
Cette expression a des équivalents savoureux dans le monde entier :
- Allemand : "vom Hundersten ins Tausende kommen" (passer du centième au millième)
- Italien : "saltare di palo in frasca" (sauter du poteau à la branche)
- Portugais : "passar de pato pra ganso" (passer du canard à l'oie)
- Néerlandais : "Van de os op de ezel springen" (Sauter du bœuf à l'âne)
- Anglais : "Jump from pillar to post"
Usage moderne
Ceux qui ont été confrontés à l'éducation d'adolescents savent que ceux-ci sont prompts à (tenter de) passer d'un sujet qui les dérange ("où en es-tu de tes devoirs ?") à un autre sans aucun lien qui les intéresse ou ne les met pas en difficulté
C'est fascinant de voir comment cette expression médiévale continue d'être parfaitement compréhensible et utilisée aujourd'hui, même si son origine exacte reste mystérieuse !
Expressions apparentées
Plusieurs expressions ont un sens similaire ou proche :
Changer du tout au tout : Passer d'une situation à une autre qui n'a aucun rapport.
Parler de la pluie et du beau temps : Discuter de sujets triviaux, sans importance. C'est un peu différent car l'incohérence n'est pas le propos, mais le caractère banal de la conversation.
Sauter d'un sujet à l'autre : C'est la version plus littérale de l'expression.
N'avoir ni queue ni tête : Qualifie un discours, une histoire, ou une idée qui est totalement illogique et incompréhensible.
L'âne dans les expressions françaises
L'âne est un animal souvent présent dans la langue française, souvent associé à l'entêtement ou à la stupidité, mais pas toujours :
Être bête comme ses pieds : Même si l'âne n'est pas mentionné, cette expression fait référence à la stupidité.
Être têtu comme un âne : Faire preuve d'un entêtement excessif.
Avoir un mal de chien (mal de l'âne) : Bien que ce ne soit pas la plus courante, certaines expressions locales peuvent faire référence à l'âne pour décrire une grande difficulté.
Pédaler dans la semoule : Ne pas avancer dans sa réflexion ou son action.
En conclusion :
"Passer du coq à l'âne" est une expression imagée et très populaire, dont l'origine est probablement une déformation linguistique du Moyen Âge. Elle continue d'être largement utilisée pour décrire une conversation décousue et sans fil conducteur. C'est un excellent exemple de la richesse et de l'évolution de la langue française !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire