"Ne pas être le perdreau de l'année"
Sens actuel : Cette expression signifie "ne plus être tout jeune", "avoir de l'expérience", "ne plus être naïf ou inexpérimenté". Elle s'emploie souvent avec une nuance d'autodérision quand on veut dire qu'on a de la bouteille, qu'on ne se laisse plus facilement avoir.
Origine cynégétique : L'expression vient du vocabulaire de la chasse. Le "perdreau de l'année" désigne un jeune perdrix né dans l'année, par opposition à la perdrix adulte. Ces jeunes oiseaux sont :
- Plus tendres à manger (qualité culinaire recherchée)
- Plus faciles à chasser (moins méfiants, inexpérimentés)
- Plus vulnérables face aux prédateurs
Métaphore sociale : La transposition métaphorique est limpide : comme le jeune gibier, la personne inexpérimentée est plus facilement "attrapée", dupée ou manipulée. Ne plus être "le perdreau de l'année", c'est avoir acquis cette méfiance salvatrice de l'expérience.
Datation : L'expression est attestée depuis le XIXe siècle dans sa forme figurée, issue directement du langage cynégétique beaucoup plus ancien.
Exemples d'usage :
- "Tu ne vas pas me faire croire ça, je ne suis plus le perdreau de l'année !"
- "À mon âge, je ne suis plus le perdreau de l'année, je connais les ficelles du métier"
- "Il pensait m'avoir, mais je ne suis pas le perdreau de l'année"
Nuances d'emploi :
- Souvent employée à la première personne avec autodérision
- Peut avoir une nuance légèrement vantarde ("j'ai de l'expérience")
- Parfois teintée d'amertume ("la vie m'a appris à me méfier")
Variantes régionales et synonymes :
- "Ne plus avoir les yeux en face des trous"
- "Connaître la musique"
- "Avoir du métier"
- "Ne plus être né de la dernière pluie"
- "Avoir roulé sa bosse"
En littérature : L'expression se trouve chez des auteurs qui peignent les mœurs populaires ou bourgeoises :
- Maupassant dans ses nouvelles sur la société normande
- Alphonse Daudet pour décrire les caractères du Midi
- Les romans réalistes du XIXe siècle l'emploient volontiers
Dimension sociologique : L'expression révèle une vision de la société où l'expérience est valorisée comme protection contre la duperie. Elle témoigne d'une sagesse populaire qui considère la méfiance comme une qualité acquise avec l'âge.
Usage contemporain : Toujours très vivante dans le français familier, particulièrement appréciée pour son côté pittoresque et son efficacité expressive. Elle fonctionne particulièrement bien dans les contextes où l'on veut marquer son expérience face à plus jeune que soi.
Une expression délicieuse qui allie la saveur du terroir chasseur à la psychologie la plus fine !
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