Chapitre 5 : L' île
A l’approche de Peter, l’île s’est remise à vivre. Pendant son absence, les fées allongent leur grasse mâtinée, les Peaux-Rouges festoient, les enfants perdus et les pirates ne songent pas le moins du monde à se faire la guerre. Mais à son arrivée, tout le monde reprend son rôle.
Ce soir-là, les enfants perdus attendent Peter ; les pirates cherchent les enfants perdus ; les Peaux-Rouges pistent les pirates et les animaux sauvages suivent les Peaux-Rouges. Tous tournent cependant autour de l’île sans que jamais un groupe rattrape l’autre.
Les enfants perdus sont venus accueillir leur capitaine. Le nombre d’enfants varie en fonction de ceux qui sont tués dans les combats mais aussi de ceux que Peter supprime parce qu’ils ont grandi. Pour l’instant, ils sont six. Ils portent des peaux d’ours tués de leurs propres mains :
il y La Guigne qui manque toujours une bonne part des aventures parce qu’il a le dos tourné au bon moment ;
il y a Bon Zigue, toujours joyeux ;
il y a La Plume qui taille des sifflets de bois et danse sur ses propres musiques ;
il y a Le Frisé qui, même innocent, s’accuse toujours de tous les méfaits et il y a les jumeaux toujours l’un contre l’autre avec un air qui implore le pardon.
Juste derrière les enfants viennent les pirates, armés jusqu’aux dents et qui chantent le même horrible refrain :
" Tenez bon, hissez la voile !
Nous sommes les pirates,
Si la mort nous sépare,
Nous nous retrouverons en enfer ! "
Leur chef, Jacques Crochet est vautré sur un chariot tiré et poussé par ses hommes aiguillonnés de temps à autre par son horrible harpon. Il est vêtu à la mode du temps de Charles II. Il porte aux lèvres un ingénieux porte-cigares qui lui permet de fumer deux cigares en même temps.
Dans la suite des pirates, viennent les Peaux-Rouges. Ils sont sur le chemin de la guerre luisants de peinture et d’huile tenant à la main des couteaux ou des tomahawks et portant fièrement à leur ceinture les scalps des pirates ou des enfants perdus. La dernière de leur groupe est Lis Tigré, leur princesse coquette, glaciale et ardente. Ils marchent sans faire aucun bruit et seule leur respiration peut les trahir.
Pour finir, viennent les animaux sauvages : lions, ours, tigres tous affamés. Le dernier animal à apparaître est un gigantesque crocodile.
Ce défilé pourrait durer éternellement mais les enfants s’arrêtent. Ils aimeraient que Peter soit déjà de retour pour apprendre la suite de l’histoire de Cendrillon. Les enfants s’arrêtent de parler. Ils entendent au loin une chanson qu’ils connaissent bien :
" Le pavillon à tête de mort !
La belle vie, une corde de chanvre !
Et l’on va boire la grande tasse ! "
Tels des lapins, il détalent et disparaissent dans leur maison souterraine par les sept passages creusés dans les arbres. Les pirates se mettent à la recherche des enfants pendant que Crochet raconte à son second l’histoire de sa vie et pourquoi il a tellement peur du crocodile qui le pourchasse de mers en mers depuis que Peter lui a donné sa main à manger. Le crocodile a avalé un réveil en sorte que dès qu’il arrive dans les parages, il peut l’entendre.
Tout en parlant, il s’assied sur un énorme champignon.
- Il est brûlant, dit-il en se relevant d’un bond et en l’examinant. C’était une cheminée ; Crochet venait de découvrir le repaire des enfants perdus. Il lui restait juste à savoir où se trouvait Peter.
- On retourne au bateau préparer un gâteau au sucre vert. Les garçons perdus n’ont personne pour leur dire que c’est dangereux ; ils le mangeront et ils mourront, déclare Crochet dans un éclat de rire. Crochet et son second se mettent alors à danser et à chanter :
" Larguez les ris quand je parais,
Ils crèvent de peur !
Il ne vous reste plus de chair sur les os,
Quand Crochet vous a serré la main. "
Ils s’arrêtent subitement car un tic-tac bien connu approche... Crochet reconnaît le bruit du réveil avalé par le crocodile et s’enfuit à toutes jambes, tremblant de peur.
Bon Zigue, poursuivi par une meute de loups, arrive près des enfants perdus en leur expliquant qu’il a aperçu un grand oiseau blanc qui semble épuisé et répète à chaque coup d’aile " Pauvre Wendy ".
C’est à ce moment que les enfants aperçoivent à leur tour cet étrange oiseau que l’on nomme un Wendy et que Clochette surgit et crie à l’attention des garçons :
- Peter veut que vous tuiez le Wendy ! Vite La Guigne !
La Guigne ajuste sa flèche et tire.
Wendy s’abat sur le sol, une flèche dans la poitrine.
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