"Tirer le diable par la queue"
Signification
"Tirer le diable par la queue" signifie avoir de grandes difficultés financières, vivre dans la gêne, être constamment aux prises avec des problèmes d'argent. L'expression évoque une situation de précarité économique où l'on peine à joindre les deux bouts, où chaque fin de mois est difficile.
Elle suggère un combat permanent et épuisant contre la pauvreté, une lutte acharnée pour s'en sortir financièrement, souvent sans y parvenir vraiment.
Origine et symbolisme
L'origine de cette expression remonte au Moyen Âge et puise dans l'imaginaire populaire chrétien où le diable représente toutes les forces maléfiques.
L'image de base : Tirer la queue du diable est une entreprise à la fois dangereuse et vouée à l'échec. Le diable, être supérieur et malfaisant, ne se laissera jamais maîtriser par un simple mortel qui s'attaquerait à lui par son point le plus faible (la queue). Cette tentative désespérée illustre parfaitement la situation de celui qui lutte contre des forces qui le dépassent.
Le symbolisme de la queue : Dans l'iconographie médiévale, la queue du diable est souvent représentée comme fouettante, insaisissable, glissante. S'y accrocher relève de la gageure impossible.
Première attestation : L'expression apparaît dans sa forme moderne vers le XVIe siècle, mais des variantes existaient déjà au XIVe siècle.
Évolution sémantique
- XIVe-XVe siècles : "Tenir le diable par la queue" (version archaïque)
- XVIe siècle : "Tirer le diable par la queue" (forme moderne)
- XVIIe-XVIIIe siècles : Généralisation du sens aux difficultés financières spécifiquement
- XIXe siècle à nos jours : Sens stabilisé actuel
Nuances d'usage contemporain
L'expression admet plusieurs degrés d'intensité :
Niveau modéré : "En ce moment, on tire un peu le diable par la queue" (difficultés temporaires)
Niveau soutenu : "Depuis le divorce, elle tire vraiment le diable par la queue" (situation durablement difficile)
Niveau dramatique : "Avec trois enfants et un seul salaire, ils tirent le diable par la queue du matin au soir" (précarité grave)
Exemples dans la vie courante
Contexte familial : "Depuis que papa est au chômage, on tire le diable par la queue. Maman fait des ménages pour arrondir les fins de mois."
Situation d'étudiant : "Avec mon job à mi-temps et mon loyer parisien, je tire le diable par la queue, mais j'y arrive !"
Difficultés entrepreneuriales : "Les deux premières années de ma boîte, j'ai tiré le diable par la queue. Maintenant ça va mieux."
Contexte social : "Dans ce quartier, beaucoup de familles tirent le diable par la queue depuis la fermeture de l'usine."
Dans la littérature classique
Honoré de Balzac excelle dans l'usage de cette expression, notamment dans La Comédie humaine. Dans Le Père Goriot, il décrit avec précision la condition des jeunes gens ambitieux mais désargentés de la Restauration : "Rastignac tirait le diable par la queue comme la plupart des étudiants."
Émile Zola l'emploie magistralement dans L'Assommoir pour dépeindre la condition ouvrière du Second Empire. L'expression revient comme un leitmotiv pour décrire la vie de Gervaise et Coupeau.
Guy de Maupassant s'en sert dans ses nouvelles pour croquer la petite bourgeoisie normande aux prises avec les difficultés du quotidien, notamment dans Boule de suif et Une vie.
Charles Dickens (traduit en français) : ses traducteurs ont souvent eu recours à cette expression pour rendre l'atmosphère de pauvreté de l'Angleterre victorienne.
Littérature moderne et contemporaine
Louis-Ferdinand Céline l'utilise dans Voyage au bout de la nuit avec sa verve caractéristique pour décrire la condition prolétarienne.
Simone de Beauvoir, dans Les Mandarins, l'emploie pour évoquer les difficultés matérielles des intellectuels de l'après-guerre.
Annie Ernaux y recourt fréquemment dans son œuvre autobiographique (La Place, Une femme) pour décrire l'univers social de son enfance.
Didier Eribon l'utilise dans Retour à Reims pour analyser les conditions de vie des classes populaires.
Au cinéma et dans la culture populaire
Michel Audiard a popularisé l'expression dans ses dialogues de films, notamment dans Un taxi pour Tobrouk et Mélodie en sous-sol.
Coluche l'employait régulièrement dans ses sketches sur la condition sociale des plus démunis.
Pierre Desproges en jouait avec virtuosité dans ses chroniques, détournant souvent l'expression avec ironie.
Variantes et expressions apparentées
Variantes historiques :
- "Tenir le diable par la queue"
- "Avoir le diable par la queue"
- "Prendre le diable par la queue"
Expressions synonymes :
- "Joindre les deux bouts" (plus neutre)
- "Vivre au jour le jour" (aspect temporel)
- "Être dans la dèche" (registre familier)
- "Tirer le diable par les quatre pattes" (intensification humoristique)
Expressions antonymes :
- "Rouler sur l'or"
- "Avoir les moyens"
- "Vivre comme un coq en pâte"
Analyse sociologique
L'expression révèle une vision populaire de la pauvreté comme d'un combat permanent contre des forces hostiles et supérieures. Elle témoigne d'une conception du monde où les difficultés financières ne sont pas perçues comme une simple absence d'argent, mais comme une lutte épique contre un adversaire redoutable.
Cette métaphore diabolique dédramatise paradoxalement la pauvreté en lui donnant une dimension héroïque : celui qui "tire le diable par la queue" n'est pas un misérable passif, mais un combattant qui ose s'attaquer au Mal incarné.
Usage contemporain
L'expression reste extrêmement vivace dans le français actuel, traversant tous les registres sociaux :
Dans les médias : Fréquemment utilisée pour évoquer les difficultés économiques des ménages français.
En politique : Employée pour désigner les préoccupations des "classes moyennes" et populaires.
Dans la littérature sociale contemporaine : Omniprésente chez les auteurs qui s'intéressent aux questions de précarité.
Au quotidien : Expression familière courante, comprise par tous et employée sans distinction de classe sociale.
Particularités linguistiques
- Registre : Familier mais non argotique, acceptable dans la plupart des contextes
- Construction : Toujours avec le verbe "tirer" et l'article défini "le"
- Intensification possible : "Tirer comme un beau diable par la queue"
- Négation courante : "Ne plus tirer le diable par la queue" (amélioration de situation)
Sens et signification
L'expression "tirer le diable par la queue" signifie vivre dans la pauvreté, avoir des difficultés financières, ne pas joindre les deux bouts. Elle évoque une lutte constante pour survivre avec de faibles moyens. C'est une image de la misère, où la personne est contrainte de se battre sans cesse pour gagner un peu d'argent, comme si elle était engagée dans un combat avec le diable.
Origine et étymologie
L'origine de cette expression remonte à l'imagerie médiévale et religieuse. Le diable est une figure omniprésente dans la culture populaire, souvent associé au mal, mais aussi au désordre et aux tentations matérielles. Ici, la queue du diable symbolise la faim, la misère ou le besoin.
L'hypothèse la plus courante est que l'expression représente une lutte vaine et harassante. L'homme pauvre est vu comme celui qui, pour survivre, doit se battre avec le diable (symbolisant la misère), et le seul moyen qu'il trouve pour l'empêcher de s'échapper est de lui tirer par la queue. C'est une action désespérée, épuisante et sans fin, car le diable est une force que l'on ne peut pas vaincre. L'expression pourrait également avoir une origine populaire, faisant référence à l'action de tirer un animal par la queue pour le faire avancer, ou bien une image du paysan qui s'accroche à la queue de la charrue. Mais l'explication avec le diable est la plus acceptée.
Registre et nuances
L'expression est du registre familier à populaire. Elle est très imagée et a une connotation de difficulté, de lutte et de persévérance face à l'adversité. Elle est souvent utilisée pour décrire sa propre situation ou celle de quelqu'un d'autre avec une certaine dose d'empathie.
Exemples d'utilisation
"Depuis qu'il a perdu son travail, il tire le diable par la queue."
"Les fins de mois sont difficiles, je tire le diable par la queue pour payer le loyer."
"C'est une petite entreprise, on tire le diable par la queue pour s'en sortir."
Expressions synonymes en français
Ne pas joindre les deux bouts
Vivre à l'étroit
Avoir des fins de mois difficiles
Être dans la misère
Vivre chichement
Équivalents dans d'autres langues
Anglais : "To live from hand to mouth," "To make ends meet."
Espagnol : "Estar en la miseria," "No llegar a fin de mes."
Allemand : "Mühsam über die Runden kommen."
Italien : "Arrivare a stento alla fine del mese."
Variantes et dérivés
L'expression est très figée. On peut parfois l'entendre au singulier ou au pluriel, mais la forme la plus courante est celle qui est présentée.
Usage contemporain
"Tirer le diable par la queue" est toujours très courante dans le langage parlé. Son imagerie forte la rend pertinente pour décrire les difficultés financières, un sujet toujours d'actualité. Elle est largement comprise et utilisée par toutes les générations, dans divers contextes informels.
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