dimanche 5 août 2018
VII. La plante de vie.
Henri salua respectueusement le Chat et courut vers le jardin de la plante de vie, qui n’était plus qu’à cent pas de lui. Il tremblait que quelque nouvel obstacle ne retardât sa marche ; mais il atteignit le treillage du jardin. Il chercha la porte et la trouva promptement, car le jardin n’était pas grand ; mais il y avait une si grande quantité de plantes qui lui étaient inconnues, qu’il lui fut impossible de trouver la plante de vie.
Il se souvint heureusement que la fée Bienfaisante lui avait dit d’appeler le docteur qui cultivait ce jardin des fées, et il l’appela à haute voix. À peine l’eut-il appelé, qu’il entendit du bruit dans les plantes qui étaient près de lui, et qu’il en vit sortit un petit homme haut comme un balai de cheminée ; il tenait un livre sous le bras, avait des lunettes sur son nez crochu et portait un grand manteau noir de Docteur.
« Que cherchez-vous, petit ? dit le Docteur en se redressant. Et comment avez-vous pu parvenir jusqu’ici ?
– Monsieur le Docteur, je viens de la part de la fée Bienfaisante vous demander la plante de vie pour guérir ma pauvre maman qui se meurt.
– Ceux qui viennent de la part de la fée Bienfaisante, dit le petit Docteur en soulevant son chapeau, sont les bienvenus. Venez, petit, je vais vous donner la plante que vous cherchez. »
Il s’enfonça dans le jardin botanique, où Henri eut quelque peine à le suivre, parce qu’il disparaissait entièrement sous les tiges ; enfin ils arrivèrent près d’une plante isolée : le petit Docteur tira une petite serpette de sa petite poche, en coupa une tige et la donna à Henri en lui disant :
« Voici, faites-en l’usage que vous a prescrit la fée ; mais ne la laissez pas sortir de vos mains, car si vous la posez n’importe où, elle vous échappera sans que vous puissiez jamais la ravoir. »
Henri voulut le remercier, mais le petit homme avait déjà disparu au milieu de ses herbes médicinales, et Henri se trouva seul.
« Comment ferai-je maintenant pour arriver vite à la maison ? Si en descendant je rencontre les mêmes obstacles qu’en montant, je risque de perdre ma plante, ma chère plante qui doit rendre la vie à ma pauvre maman. »
Il se ressouvint heureusement du bâton que lui avait donné le Loup.
« Voyons, dit-il, s’il a vraiment le pouvoir de me transporter dans ma maison. »
En disant ces mots, il se mit à cheval sur le bâton en souhaitant d’être chez lui. Au même moment il se sentit enlever dans les airs, qu’il fendit avec la rapidité de l’éclair, et il se trouva près du lit de sa maman.
Il se précipita sur elle et l’embrassa tendrement, mais elle ne l’entendait pas ; Henri ne perdit pas de temps, il pressa la plante de vie sur les lèvres de sa maman, qui au même instant ouvrit les yeux et jeta ses bras autour du cou de Henri en s’écriant :
« Mon enfant, mon cher Henri, j’ai été bien malade, mais je me sens bien à présent ; j’ai faim. »
Puis le regardant avec étonnement :
« Comme tu es grandi, mon cher enfant ! Qu’est-ce donc ? Comment as-tu pu grandir ainsi en quelques jours ? »
C’est que Henri était véritablement grandi de toute la tête, car il y avait deux ans sept mois et six jours qu’il était parti. Henri avait près de dix ans. Avant qu’il eût le temps de répondre, la fenêtre s’ouvrit et la fée Bienfaisante parut. Elle embrassa Henri, et, s’approchant du lit de la maman, lui raconta tout ce que le petit Henri avait fait pour la sauver, les dangers qu’il avait courus, les fatigues qu’il avait endurées, le courage, la patience, la bonté qu’il avait montrés. Henri rougissait de s’entendre louer ainsi par la fée ; la maman serrait son petit Henri contre son cœur et ne se lassait pas de l’embrasser. Après les premiers moments de bonheur et d’effusion, la fée dit :
« Maintenant, Henri, tu peux faire usage des présents du petit Vieillard et du Géant de la montagne. »
Henri tira sa tabatière et l’ouvrit ; aussitôt il en sortit une si grande foule de petits ouvriers, pas plus grands qu’une abeille, que la chambre en fut remplie ; ils se mirent à travailler avec une telle adresse et une telle promptitude, qu’en un quart d’heure ils bâtirent et meublèrent une jolie maison qui se trouva au milieu d’un grand jardin, adossée à un bois et à une belle prairie.
« Tout cela est à toi, mon brave Henri, dit la fée. Le chardon du Géant te procurera ce qui te manque, le bâton du Loup te transportera où tu voudras, et la griffe du Chat te conservera la santé et la jeunesse, ainsi qu’à ta maman. Adieu, Henri, vis heureux et n’oublie pas que la vertu et l’amour filial sont toujours récompensés. »
Henri se jeta aux genoux de la fée ; elle lui donna sa main à baiser, lui sourit et disparut.
La maman de Henri aurait bien voulu se lever pour voir et admirer sa nouvelle maison, son jardin, son bois et sa prairie, mais elle n’avait pas de robe ; pendant sa maladie elle avait fait vendre par Henri tout ce qu’elle possédait, pour que Henri ne manquât pas de pain.
« Hélas ! mon enfant, je ne puis me lever, dit-elle, je n’ai ni jupons, ni robes, ni souliers.
– Vous allez avoir tout cela, chère maman », s’écria Henri.
Et tirant son chardon de sa poche, il le sentit en désirant des robes, du linge, des chaussures pour sa maman, pour lui-même, et du linge pour la maison.
Au même instant, les armoires se trouvèrent pleines de linge, la maman se trouva habillée d’une bonne robe de mérinos, et Henri d’un vêtement complet de drap bleu ; il avait de bons souliers, ainsi que sa maman. Tous deux poussèrent un cri de joie ; la maman sauta de son lit pour parcourir avec Henri toute la maison ; rien n’y manquait, partout des meubles confortables et simples ; la cuisine était garnie de casseroles et de marmites ; mais il n’y avait rien dedans. Henri sentit son chardon en désirant avoir un bon dîner tout servi. Une table servie et couverte d’une bonne soupe bien fumante, d’un bon gigot, d’un poulet rôti, d’une bonne salade, se plaça immédiatement devant eux ; ils se mirent à table et mangèrent avec l’appétit de gens qui n’avaient pas mangé depuis près de trois ans. La soupe fut bien vite avalée ; le gigot y passa tout entier, puis le poulet, puis la salade. Quand ils furent rassasiés, la maman, aidée de Henri, ôta le couvert, lava et rangea la vaisselle, nettoya la cuisine. Puis ils firent les lits avec les draps qu’ils trouvèrent dans les armoires, et se couchèrent en remerciant Dieu et la fée Bienfaisante. La maman y ajouta un remerciement sincère pour son fils Henri. Ils vécurent ainsi très heureux, sans jamais manquer de rien, grâce au chardon, sans souffrir ni vieillir, grâce à la griffe, et sans jamais se servir du bâton, car ils étaient heureux dans leur maison et ils ne désiraient pas se transporter ailleurs.
Henri se borna à demander à son chardon deux belles vaches, deux bons chevaux et les choses nécessaires à la vie de chaque jour, mais sans jamais demander du superflu, soit en vêtements, soit en nourriture ; aussi conserva-t-il son chardon tant qu’il vécut. On ne sait pas s’il vécut longtemps ainsi que sa maman ; on croit que la reine des fées les rendit immortels et les transporta dans son palais, où ils sont encore.
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