lundi 8 décembre 2014
Le conte aussi a son histoire
Depuis plus de cinquante ans que je subis l'ennui de la vie réelle, je n'ai trouvé aux soucis qui la dévorent qu'une compensation, c'est d'entendre des contes et d'en composer moi-même. (Charles Nodier)
Pendant des siècles, les contes se sont transmis oralement avant d'être consignés par écrit. Les premiers auteurs de contes se sont inspirés des fabliaux du Moyen-Âge. Rabelais, Perrault ont largement puisé dans la tradition orale et l'ont adaptée. Les premiers auteurs à avoir recherché des contes pour les publier sans adaptation littéraire (1812 - 1815) sont les frères Grimm : Jacob et Wilhem. Ils ont ouvert la voie aux folkloristes de tous les pays d'Europe qui commencèrent à rechercher dans la tradition les contes et légendes de leur pays ou de leur région. En France, cette moisson n'a véritablement débuté qu'en 1870 ; au Canada, en 1911.
Aujourd'hui, des catalogues nationaux et internationaux recensent tous les contes, mythes et légendes. Ils sont régulièrement mis à jour. Les contes y sont classés par thèmes en sorte que l'on s'aperçoit qu'une même histoire est racontée dans de nombreux pays avec des variantes plus ou moins importantes. Le conte est un patrimoine universel. Chacun peut raconter à sa guise la trame de l'histoire avec toutes les inspirations, les fantaisies, les connaissances qu'il possède pour la plus grande joie de ceux qui l'écoute.
L'homme a toujours aimé les récits merveilleux et extraordinaires. Il s'est d'abord plu à écouter les épopées (contes héroïques) ; puis au fur et à mesure que l'esprit s'affina, le conteur prit pour objet de ses récits les événements de la vie réelle, qu'il transformait au gré de sa fantaisie, soit en leur donnant la couleur du merveilleux, soit en les présentant sous une forme satirique, soit encore en recueillant les traditions populaires.
Les contes populaires eurent chez les Grecs et les Romains, le même succès que chez les peuples modernes et l'on en trouve de nombreuses traces : l'anneau de Gygès, la baguette magique de Circé, les transformations de l'âne dans l'Âne de Lucien et dans l'Âne d'Or d'Apulée. Le conte si gracieux de l'Amour et Psyché n'a rien à envier aux inventions qui ont rendu célèbres les Mille et une nuit. Les anciens avaient encore une foule d'autres récits fabuleux peuplés de spectres et de fantômes, tels que Lamia, La Gorgone, Gella, la Voleuse d'enfants, etc.
L'Orient est la patrie des contes pleins d'aventures extraordinaires, où le merveilleux joue le principal rôle . Ils furent popularisés au moyen âge grâce à divers recueils, tels les traductions latines du Pantchatantra, de l'Hitopadesa, de Sindabad (Historia septem sapientuum), le Dolopathos, les Gesta Romanorum, les Historae Latinae, de singuliers ouvrages dans lesquels sont mêlées naïvement l'histoire et la fable, où Romulus et César coudoient familièrement les quarante voleurs, et qui ont donné naissance aux fabliaux, ces contes vifs, joyeux, légers, égrillards même, que les écrivains de toutes les nations ont tour à tour mis à contribution durant plusieurs siècles.
Les Italiens furent les premiers à imiter les conteurs français. Boccace était le fils d'une Parisienne, et c'est en France qu'il prit un grand nombre des épisodes de son Décaméron. Avant lui, Poggio-Bracciolini (le Pogge), dans ses Facéties, écrites en latin, avait aussi très fréquemment puisé à la même source. Après Boccace, les conteurs italiens sont légion ; c'est Sachetti et ses Nouvelles ; Cornazzani et ses Proverbes en facéties (XVème siècle); Bandello, dont le recueil est encore plus considérable que celui de Boccace ; Firenzuola ; Giraldi (Cinthio), les Hecatomitti ; Parabosco, i Diporti ; Grazzini (il Lasca, le Cene ; Strapparola, les Facétieuses Nuits ; Cinthio delli Fabrizzi, Origine des proverbes vulgaires ; Massucio, il Novellino ; etc. Le burlesque Batacchi et Casti (Nouvelles galantes), terminent, au XVIIIème siècle, cette longue série de conteurs qui se sont très souvent imités les uns les autres.
En Angleterre, il faut surtout citer Chaucer et ses Contes de Cantorbery, qui doivent beaucoup aux fabliaux français et à Boccace mais qui n'en sont pas moins des chefs-d'œuvre de narration variée et spirituelle. Après lui, viennent Gower, Lydgate, Dryden, Prior, Hawkesworth et enfin Dickens, à qui ses contes de Noël doivent faire donner une bonne place dans ce genre littéraire.
En Allemagne, Hans Sachs est un des premiers qui aient écrit des contes ; Burkard Waldis, qui florissait dans la première moitié du XVIème siècle, a inséré dans son recueil de poésie des contes libres et des nouvelles qu'il a puisé dans Boccace, Hagedorn, Gellert, Zacharia, Nicolay, Pfeffel, Langbein, Schubart, La Motte-Fouqué, Clément Brentano, Wieland et Auguste Lafontaine méritent également d'être cités ; mais il faut surtout mentionner Hoffmann et ses contes fantastiques, qui sont presque tous des chefs-d'œuvre ; Tieck et ses contes fantaisistes ; plus tard, Sacher Massocq et ses Contes juifs et petits-russiens (1879).
L'Espagne, moins féconde en conteurs que l'Italie, eut cependant dès le XIIème siècle, la Disciplina clericalis, de Pierre Alphonse, pleine d'imitations des livres orientaux ; puis le Comte Lucanor, de Juan Manuel, l'archiprêtre de Hita, et quelques autres. Au XVIIème siècle, Cervantes écrivit ses Novellas ejemplares. On peut encore citer Antonio Trueba et ses Contes couleur de rose.
En France, les conteurs se succèdent sans interruption. Après les fabliaux du XIIème siècle au XVème siècle, viennent les cent nouvelles Nouvelles, écrites par les familiers du Roi Louis XI ; Les Serées de Guillaume Bouchet ; les Récréations et Joyeux Devis, de Bonaventure Despériers ; l'Heptaméron, de Marguerite de Navarre ; les Contes d'Eutrapel de Noël du Fail ; les Comptes du Monde adventureux, d'un secrétaire de Marguerite de Navarre ; le Moyen de parvenir de Béroalde de Verville.
Au XVIIème siècle paraissent les Contes de d'Ouville, les Contes de Perrault, les Contes des Fées de Madame d'Aulnoy ; les Contes de La Fontaine, imités des fabliaux et de Boccace. Ils rattachent les conteurs du moyen âge à ceux du XVIIIème siècle : Voltaire, Piron, Grécourt, Hamilton, Marmontel, Voisenon. Durant la première moitié du XIXème siècle, le conte semble abandonné pour le roman ; notons cependant Berquin et ses Contes pour les enfants, Bouilly, Charles Nodier, l'auteur de la Fée aux miettes, des Contes de la veillée, des Contes fantastiques ; Jules Janin également l'auteur des Contes fantastiques et de Contes nouveaux ; Balzac et ses Contes drolatiques, écrits dans la langue de Rabelais ; Chevigné et ses Contes rémois, imités de La Fontaine. Aujourd'hui, nous sommes entourés de nombreux conteurs, tous excellents mais dont les écrits sont plutôt des petits romans que des contes proprement dits.
On assiste depuis quelques années à un intérêt marqué pour le conte et la matière féerique en général. Les contes populaires qui ont été dédaignés pendant fort longtemps par les gens instruits n'ont jamais fait l'objet d'autant d'études approfondies.
La plupart des contes qui se racontent appartiennent à un fond commun et diverses variantes ont vu le jour au gré des déplacement des individus. Pour certains contes, on peut recenser plus de 1.000 versions différentes. Il est donc particulièrement difficile de définir avec exactitude le lieu d'origine de la narration.
Certains sont très anciens et peuvent, sans risque d'erreur, être attribués à l'antiquité égyptienne. Il est cependant possible d'attribuer certains traits particuliers aux contes qui permettent de les localiser. Il s'agit soit du répertoire (fond du conte) ou du style ( la façon de dire le conte).
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