mardi 30 septembre 2025

Un jour, une expression - Tailler une pipe

 


"Tailler une pipe"

Sens premier (historique) : À l'origine, cette expression avait un sens tout à fait littéral et artisanal : elle désignait l'action de sculpter, façonner une pipe à tabac dans un morceau de bois (souvent de la bruyère). C'était le travail spécialisé du pipier ou du tabletier.

Évolution sémantique moderne : L'expression a acquis un sens argotique et sexuel au XXe siècle, devenant un euphémisme pour désigner une fellation. Cette évolution métaphorique s'appuie sur la forme allongée de la pipe et le geste de la porter à la bouche.

Origine et datation :

  • Sens artisanal : attesté depuis le XVIIe siècle avec le développement de l'usage du tabac
  • Sens argotique : développé progressivement au cours du XXe siècle, particulièrement répandu à partir des années 1960-70

Usage contemporain : Dans le langage familier et argotique, l'expression est devenue très courante, souvent employée de manière crue ou humoristique. Elle fait partie du registre de l'argot sexuel français.

Variantes et expressions liées :

  • "Se tailler une pipe" (version réflexive)
  • Dans l'argot : nombreuses autres métaphores liées aux objets du quotidien
  • En lien avec le champ sémantique de l'artisanat détourné

Aspect sociolinguistique : Cette évolution illustre un phénomène courant en français : la métaphorisation d'activités artisanales vers des sens sexuels, processus qu'on retrouve dans de nombreuses langues. L'expression témoigne de la créativité langagière populaire et de la façon dont le lexique technique peut être détourné.

Registre de langue : Clairement familier à vulgaire selon le contexte, cette expression relève de l'argot et n'a pas sa place dans un registre soutenu ou littéraire contemporain.


Sens et signification

"Tailler une pipe" est une expression argotique qui signifie pratiquer une fellation. C'est un terme cru et vulgaire qui désigne l'acte sexuel oral sur un homme.


Origine et étymologie

L'origine de l'expression est assez obscure, mais l'analogie est clairement liée au monde populaire et argotique. Le terme "pipe" est une métaphore vulgaire pour désigner le pénis. Le verbe "tailler", dans ce contexte, ne signifie pas sculpter, mais plutôt "faire" ou "pratiquer", comme on dirait "tailler une bavette" (discuter). L'expression est le résultat d'une association imagée entre le terme argotique et l'acte sexuel.


Registre et nuances

L'expression est du registre vulgaire et argotique. Elle est considérée comme grossière et son utilisation est limitée à des contextes très informels et crus. Elle n'est en aucun cas appropriée dans un langage courant ou formel.


Exemples d'utilisation

En raison de sa nature vulgaire, il n'est pas pertinent de fournir des exemples d'utilisation qui pourraient être offensants ou inappropriés.


Expressions synonymes en français

  • Faire une fellation (terme médical)

  • Faire une gâterie (familier, mais moins vulgaire)

  • Sucer (terme cru)

  • Faire une queue (familier)


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "To give head," "To blow a guy," "To give a blowjob."

  • Espagnol : "Hacer una mamada."

  • Allemand : "Einen blasen."

  • Italien : "Fare un pompino."

Variantes et dérivés

L'expression est très figée et n'a pas de variantes courantes. On peut parfois l'entendre utilisée de manière différente dans d'autres expressions argotiques, mais son sens principal reste le même.

Usage contemporain

"Tailler une pipe" est toujours utilisée dans le langage familier et vulgaire. Bien que son usage soit limité par sa connotation, elle reste très bien comprise dans le langage populaire.

lundi 29 septembre 2025

Citation de la semaine 40

 


Cela parait toujours impossible, jusqu’à ce que ce soit fait.  – Nelson Mandela

dimanche 28 septembre 2025

Un jour, une expression - Tailler des croupières

 


"Tailler des croupières"

Sens actuel : Cette expression signifie "créer des difficultés à quelqu'un", "lui faire de la concurrence déloyale", "le gêner dans ses entreprises" ou "lui susciter des ennuis". On l'emploie quand quelqu'un cherche délibérément à nuire à autrui ou à entraver ses projets.

Origine historique : L'expression remonte au monde équestre et militaire. La "croupière" désignait une courroie de cuir qui passait sous la queue du cheval et se fixait à la selle pour l'empêcher de glisser vers l'avant. "Tailler les croupières" consistait littéralement à couper ces sangles avec une arme blanche lors des combats, ce qui rendait la selle inutilisable et désarçonnait le cavalier - un acte particulièrement sournois et efficace pour neutraliser un adversaire.

Évolution sémantique : L'expression a évolué du sens concret (saboter l'équipement militaire) vers le sens figuré (nuire insidieusement à quelqu'un dans ses activités).

Exemples d'usage :

  • Dans les affaires : "Ce concurrent nous taille des croupières en pratiquant des prix défiant toute concurrence."
  • En politique : "L'opposition ne cesse de tailler des croupières au gouvernement sur cette réforme."
  • Relations personnelles : "Il lui taille des croupières depuis qu'elle a obtenu cette promotion."

En littérature : L'expression apparaît chez de nombreux auteurs classiques. Balzac l'emploie dans La Comédie humaine, et on la trouve chez Zola pour décrire les rivalités commerciales ou professionnelles. Elle est particulièrement prisée pour sa force évocatrice dans les descriptions de concurrence féroce ou de manœuvres déloyales.

Expressions apparentées :

  • "Mettre des bâtons dans les roues"
  • "Faire des crocs-en-jambe"
  • "Couper l'herbe sous le pied"
  • "Tirer dans les pattes"
  • "Jouer un mauvais tour"

L'expression conserve aujourd'hui toute sa vigueur et son caractère expressif, évoquant bien cette idée d'un sabotage sournois et calculé.


Sens et signification

"Tailler des croupières à quelqu'un" signifie gêner, harceler, mettre en difficulté une personne ou une entité. L'expression évoque l'idée de causer du tort à un adversaire, de le gêner dans sa progression ou ses actions, de le poursuivre sans relâche ou de lui causer des problèmes. C'est une image de harcèlement constant, de manœuvres qui visent à affaiblir l'autre.


Origine et étymologie

L'origine de l'expression est militaire, plus précisément liée à la cavalerie. La "croupière" est la sangle qui maintient la selle sur l'arrière-main du cheval (la croupe). Dans la cavalerie, la manœuvre consistait à charger l'ennemi par derrière pour le harceler, le désorganiser et affaiblir ses chevaux. Le fait de "tailler" (couper, frapper) les croupières, en attaquant l'arrière de l'adversaire, symbolisait l'action de le rendre inefficace, en empêchant ses cavaliers de contrôler correctement leurs montures. L'expression s'est ensuite généralisée à toute forme de harcèlement ou de mise en difficulté.


Registre et nuances

L'expression est du registre soutenu à courant. Elle est très imagée et est souvent utilisée dans le langage journalistique, dans le monde des affaires, de la politique ou du sport. Elle a une connotation stratégique et combative.


Exemples d'utilisation

  • "Les concurrents cherchent à tailler des croupières à l'entreprise leader en baissant leurs prix."

  • "Les députés de l'opposition n'ont cessé de tailler des croupières au gouvernement durant les débats."

  • "Les escarmouches de la guérilla visent à tailler des croupières à l'armée ennemie."


Expressions synonymes en français

  • Harceler

  • Gêner

  • Mettre des bâtons dans les roues (familier)

  • Créer des obstacles

  • Mettre en difficulté


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "To hamstring someone," "To put a spoke in someone's wheel."

  • Espagnol : "Ponerle la zancadilla a alguien," "Dificultar la tarea."

  • Allemand : "Jemandem das Leben schwer machen."

  • Italien : "Mettere i bastoni tra le ruote."

Variantes et dérivés

L'expression est très figée et n'a pas de variantes courantes.

Usage contemporain

"Tailler des croupières" est encore utilisée aujourd'hui, mais elle est surtout employée à l'écrit, dans un style journalistique ou littéraire. Son origine militaire la rend pertinente pour décrire des situations de compétition ou de conflit. Elle est moins courante dans le langage oral de tous les jours.

samedi 27 septembre 2025

Un jour, une expression - Tirer le diable par la queue

 


"Tirer le diable par la queue" 

Signification

"Tirer le diable par la queue" signifie avoir de grandes difficultés financières, vivre dans la gêne, être constamment aux prises avec des problèmes d'argent. L'expression évoque une situation de précarité économique où l'on peine à joindre les deux bouts, où chaque fin de mois est difficile.

Elle suggère un combat permanent et épuisant contre la pauvreté, une lutte acharnée pour s'en sortir financièrement, souvent sans y parvenir vraiment.

Origine et symbolisme

L'origine de cette expression remonte au Moyen Âge et puise dans l'imaginaire populaire chrétien où le diable représente toutes les forces maléfiques.

L'image de base : Tirer la queue du diable est une entreprise à la fois dangereuse et vouée à l'échec. Le diable, être supérieur et malfaisant, ne se laissera jamais maîtriser par un simple mortel qui s'attaquerait à lui par son point le plus faible (la queue). Cette tentative désespérée illustre parfaitement la situation de celui qui lutte contre des forces qui le dépassent.

Le symbolisme de la queue : Dans l'iconographie médiévale, la queue du diable est souvent représentée comme fouettante, insaisissable, glissante. S'y accrocher relève de la gageure impossible.

Première attestation : L'expression apparaît dans sa forme moderne vers le XVIe siècle, mais des variantes existaient déjà au XIVe siècle.

Évolution sémantique

  • XIVe-XVe siècles : "Tenir le diable par la queue" (version archaïque)
  • XVIe siècle : "Tirer le diable par la queue" (forme moderne)
  • XVIIe-XVIIIe siècles : Généralisation du sens aux difficultés financières spécifiquement
  • XIXe siècle à nos jours : Sens stabilisé actuel

Nuances d'usage contemporain

L'expression admet plusieurs degrés d'intensité :

Niveau modéré : "En ce moment, on tire un peu le diable par la queue" (difficultés temporaires)

Niveau soutenu : "Depuis le divorce, elle tire vraiment le diable par la queue" (situation durablement difficile)

Niveau dramatique : "Avec trois enfants et un seul salaire, ils tirent le diable par la queue du matin au soir" (précarité grave)

Exemples dans la vie courante

Contexte familial : "Depuis que papa est au chômage, on tire le diable par la queue. Maman fait des ménages pour arrondir les fins de mois."

Situation d'étudiant : "Avec mon job à mi-temps et mon loyer parisien, je tire le diable par la queue, mais j'y arrive !"

Difficultés entrepreneuriales : "Les deux premières années de ma boîte, j'ai tiré le diable par la queue. Maintenant ça va mieux."

Contexte social : "Dans ce quartier, beaucoup de familles tirent le diable par la queue depuis la fermeture de l'usine."

Dans la littérature classique

Honoré de Balzac excelle dans l'usage de cette expression, notamment dans La Comédie humaine. Dans Le Père Goriot, il décrit avec précision la condition des jeunes gens ambitieux mais désargentés de la Restauration : "Rastignac tirait le diable par la queue comme la plupart des étudiants."

Émile Zola l'emploie magistralement dans L'Assommoir pour dépeindre la condition ouvrière du Second Empire. L'expression revient comme un leitmotiv pour décrire la vie de Gervaise et Coupeau.

Guy de Maupassant s'en sert dans ses nouvelles pour croquer la petite bourgeoisie normande aux prises avec les difficultés du quotidien, notamment dans Boule de suif et Une vie.

Charles Dickens (traduit en français) : ses traducteurs ont souvent eu recours à cette expression pour rendre l'atmosphère de pauvreté de l'Angleterre victorienne.

Littérature moderne et contemporaine

Louis-Ferdinand Céline l'utilise dans Voyage au bout de la nuit avec sa verve caractéristique pour décrire la condition prolétarienne.

Simone de Beauvoir, dans Les Mandarins, l'emploie pour évoquer les difficultés matérielles des intellectuels de l'après-guerre.

Annie Ernaux y recourt fréquemment dans son œuvre autobiographique (La Place, Une femme) pour décrire l'univers social de son enfance.

Didier Eribon l'utilise dans Retour à Reims pour analyser les conditions de vie des classes populaires.

Au cinéma et dans la culture populaire

Michel Audiard a popularisé l'expression dans ses dialogues de films, notamment dans Un taxi pour Tobrouk et Mélodie en sous-sol.

Coluche l'employait régulièrement dans ses sketches sur la condition sociale des plus démunis.

Pierre Desproges en jouait avec virtuosité dans ses chroniques, détournant souvent l'expression avec ironie.

Variantes et expressions apparentées

Variantes historiques :

  • "Tenir le diable par la queue"
  • "Avoir le diable par la queue"
  • "Prendre le diable par la queue"

Expressions synonymes :

  • "Joindre les deux bouts" (plus neutre)
  • "Vivre au jour le jour" (aspect temporel)
  • "Être dans la dèche" (registre familier)
  • "Tirer le diable par les quatre pattes" (intensification humoristique)

Expressions antonymes :

  • "Rouler sur l'or"
  • "Avoir les moyens"
  • "Vivre comme un coq en pâte"

Analyse sociologique

L'expression révèle une vision populaire de la pauvreté comme d'un combat permanent contre des forces hostiles et supérieures. Elle témoigne d'une conception du monde où les difficultés financières ne sont pas perçues comme une simple absence d'argent, mais comme une lutte épique contre un adversaire redoutable.

Cette métaphore diabolique dédramatise paradoxalement la pauvreté en lui donnant une dimension héroïque : celui qui "tire le diable par la queue" n'est pas un misérable passif, mais un combattant qui ose s'attaquer au Mal incarné.

Usage contemporain

L'expression reste extrêmement vivace dans le français actuel, traversant tous les registres sociaux :

Dans les médias : Fréquemment utilisée pour évoquer les difficultés économiques des ménages français.

En politique : Employée pour désigner les préoccupations des "classes moyennes" et populaires.

Dans la littérature sociale contemporaine : Omniprésente chez les auteurs qui s'intéressent aux questions de précarité.

Au quotidien : Expression familière courante, comprise par tous et employée sans distinction de classe sociale.

Particularités linguistiques

  • Registre : Familier mais non argotique, acceptable dans la plupart des contextes
  • Construction : Toujours avec le verbe "tirer" et l'article défini "le"
  • Intensification possible : "Tirer comme un beau diable par la queue"
  • Négation courante : "Ne plus tirer le diable par la queue" (amélioration de situation)
Cette expression magnifique illustre le génie de la langue française pour transformer les réalités les plus prosaïques en images saisissantes, mêlant humour, résignation et fierté dans une métaphore d'une richesse inépuisable !


Sens et signification

L'expression "tirer le diable par la queue" signifie vivre dans la pauvreté, avoir des difficultés financières, ne pas joindre les deux bouts. Elle évoque une lutte constante pour survivre avec de faibles moyens. C'est une image de la misère, où la personne est contrainte de se battre sans cesse pour gagner un peu d'argent, comme si elle était engagée dans un combat avec le diable.


Origine et étymologie

L'origine de cette expression remonte à l'imagerie médiévale et religieuse. Le diable est une figure omniprésente dans la culture populaire, souvent associé au mal, mais aussi au désordre et aux tentations matérielles. Ici, la queue du diable symbolise la faim, la misère ou le besoin.

L'hypothèse la plus courante est que l'expression représente une lutte vaine et harassante. L'homme pauvre est vu comme celui qui, pour survivre, doit se battre avec le diable (symbolisant la misère), et le seul moyen qu'il trouve pour l'empêcher de s'échapper est de lui tirer par la queue. C'est une action désespérée, épuisante et sans fin, car le diable est une force que l'on ne peut pas vaincre. L'expression pourrait également avoir une origine populaire, faisant référence à l'action de tirer un animal par la queue pour le faire avancer, ou bien une image du paysan qui s'accroche à la queue de la charrue. Mais l'explication avec le diable est la plus acceptée.


Registre et nuances

L'expression est du registre familier à populaire. Elle est très imagée et a une connotation de difficulté, de lutte et de persévérance face à l'adversité. Elle est souvent utilisée pour décrire sa propre situation ou celle de quelqu'un d'autre avec une certaine dose d'empathie.


Exemples d'utilisation

  • "Depuis qu'il a perdu son travail, il tire le diable par la queue."

  • "Les fins de mois sont difficiles, je tire le diable par la queue pour payer le loyer."

  • "C'est une petite entreprise, on tire le diable par la queue pour s'en sortir."


Expressions synonymes en français

  • Ne pas joindre les deux bouts

  • Vivre à l'étroit

  • Avoir des fins de mois difficiles

  • Être dans la misère

  • Vivre chichement


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "To live from hand to mouth," "To make ends meet."

  • Espagnol : "Estar en la miseria," "No llegar a fin de mes."

  • Allemand : "Mühsam über die Runden kommen."

  • Italien : "Arrivare a stento alla fine del mese."

Variantes et dérivés

L'expression est très figée. On peut parfois l'entendre au singulier ou au pluriel, mais la forme la plus courante est celle qui est présentée.

Usage contemporain

"Tirer le diable par la queue" est toujours très courante dans le langage parlé. Son imagerie forte la rend pertinente pour décrire les difficultés financières, un sujet toujours d'actualité. Elle est largement comprise et utilisée par toutes les générations, dans divers contextes informels.

vendredi 26 septembre 2025

Un jour, une expression - Au diable vauvert

 


"Au diable vauvert" 

Signification

"Au diable vauvert" signifie "très loin", "dans un endroit reculé et difficile d'accès", "au bout du monde". L'expression s'emploie pour désigner un lieu extrêmement éloigné, perdu, isolé, souvent avec une nuance d'exaspération ou de découragement face à cette distance.

Elle peut aussi s'utiliser au sens figuré pour exprimer quelque chose d'excessif, d'exagéré : "Il pousse le bouchon au diable vauvert !" (il va trop loin, il exagère).

Origine historique fascinante

Cette expression a une origine géographique précise et documentée, ce qui est rare pour les locutions populaires. Elle fait référence au château de Vauvert, situé dans l'actuel 6e arrondissement de Paris, près du Luxembourg.

Au XIIIe siècle, ce château était réputé hanté par le diable lui-même ! Selon la légende urbaine parisienne, des apparitions diaboliques, des bruits étranges et des phénomènes inexpliqués s'y produisaient régulièrement. Le peuple de Paris avait donc surnommé ce lieu "le diable Vauvert" ou "le diable de Vauvert".

Le château étant situé aux confins de Paris (à l'époque), "aller au diable Vauvert" signifiait littéralement se rendre dans ce lieu mal famé et éloigné du centre-ville. Par extension, l'expression en vint à désigner tout endroit très distant et difficile d'accès.

Précision historique : En 1259, Saint Louis (Louis IX) donna ce château aux Chartreux pour y établir un monastère, ce qui mit fin aux "apparitions diaboliques" - comme quoi la prière chasse le diable !

Évolution linguistique

  • XIIIe-XIVe siècles : "Au diable de Vauvert" (référence géographique précise)
  • XVe-XVIe siècles : "Au diable Vauvert" (simplification)
  • XVIIe siècle à nos jours : Généralisation du sens à tout lieu très éloigné

Variantes régionales et historiques

  • "Au diable au vert" (déformation populaire)
  • "Chez le diable Vauvert"
  • "Au fin fond du diable Vauvert"

Exemples dans la vie courante

Frustration géographique : "Tu habites au diable vauvert ! Il me faut deux heures pour venir chez toi avec les transports en commun."

Contexte professionnel : "La nouvelle succursale ? Ils l'ont installée au diable vauvert, personne ne voudra y aller travailler."

Situation familiale : "Mamie a déménagé au diable vauvert dans sa maison de retraite. On ne peut plus la voir qu'une fois par mois."

Usage hyperbolique : "Pour trouver une place de parking dans ce quartier, il faut aller se garer au diable vauvert !"

Dans la littérature française

Rabelais (XVIe siècle) emploie déjà des variantes de cette expression dans Gargantua et Pantagruel, témoignant de son ancienneté dans la langue populaire.

Molière l'utilise avec virtuosité dans ses comédies pour souligner l'exaspération de ses personnages face aux distances à parcourir dans Paris.

Charles Dickens (dans ses œuvres traduites) : l'expression pose d'ailleurs des défis intéressants aux traducteurs, car elle n'a pas d'équivalent exact dans d'autres langues.

Honoré de Balzac s'en sert fréquemment dans La Comédie humaine pour décrire les quartiers excentrés de Paris où vivent certains de ses personnages moins fortunés.

Émile Zola, dans Au Bonheur des Dames, l'emploie pour contraster entre le Paris moderne des grands magasins et les quartiers périphériques encore ruraux.

Georges Simenon utilise souvent l'expression dans ses romans policiers pour décrire les lieux où le commissaire Maigret doit se rendre dans ses enquêtes.

Littérature contemporaine

San-Antonio (Frédéric Dard) abuse délicieusement de cette expression dans ses romans policiers humoristiques, l'intégrant dans son style argotique et populaire.

Michel Audiard l'a popularisée au cinéma dans ses dialogues savoureux, notamment dans Les Tontons flingueurs et autres films cultes.

Usage contemporain et nuances

L'expression reste très vivace en français moderne avec plusieurs registres :

Registre familier courant : "Il habite au diable vauvert" (constatation neutre d'éloignement)

Registre expressif : "Tu m'envoies au diable vauvert pour ça !" (protestation véhémente)

Registre humoristique : "Mon bureau est au diable vauvert, j'ai le temps de lire trois romans dans les transports !"

Particularités grammaticales

  • S'emploie toujours avec la préposition "au"
  • Peut être renforcé : "au fin fond du diable vauvert"
  • Accepte des variantes familières : "au diable vert" (par contamination avec "au diable vauvert")

Expressions similaires

  • "Au bout du monde"
  • "À Pétaouchnok" (registre plus familier)
  • "Au fin fond des campagnes"
  • "Dans un trou perdu"

Dimension culturelle

Cette expression illustre parfaitement la mentalité parisienne historique, où tout ce qui était au-delà des limites de la ville était perçu comme lointain et potentiellement hostile. Elle témoigne aussi de la persistance des superstitions médiévales dans la langue populaire, le château de Vauvert continuant à "hanter" notre vocabulaire des siècles après la disparition des prétendues apparitions diaboliques.

Aujourd'hui encore, elle conserve sa force expressive pour dire l'éloignement, la distance, avec cette pointe d'exaspération si caractéristique de l'esprit français !


Sens et signification

L'expression "au diable vauvert" signifie très loin, dans un endroit difficile d'accès et éloigné de tout. Elle évoque un lieu perdu, isolé et souvent imaginaire. On l'utilise pour signifier qu'une chose ou une personne se trouve à une distance considérable, presque hors d'atteinte.


Origine et étymologie

L'origine de cette expression est plus complexe et fait l'objet de plusieurs théories. L'hypothèse la plus courante est qu'elle fait référence à un château ou une forteresse appelée "Vauvert".

  1. Le Château de Vauvert : La théorie la plus répandue se réfère au Château de Vauvert, situé à l'extérieur de Paris, près de l'actuel Jardin du Luxembourg. Au Moyen Âge, cet édifice a acquis une très mauvaise réputation. Il était réputé pour être abandonné, délabré, et fréquenté par des brigands et des mendiants. On racontait que des bruits étranges s'y faisaient entendre, et on l'associait à des présences démoniaques. L'expression "il s'en est allé au diable de Vauvert" est devenue un synonyme de "il s'est perdu dans un lieu maudit et lointain".

  2. Une corruption de "val vert" : Une autre hypothèse, moins acceptée, suggère que "Vauvert" pourrait être une déformation de "val vert", le diable étant associé à des lieux sauvages et inhospitaliers.

Dans les deux cas, le "diable" renforce l'idée d'un lieu à l'écart du monde, souvent associé à une réputation sulfureuse ou à une difficulté d'accès.


Registre et nuances

L'expression est du registre familier. Elle est très imagée et est utilisée pour dramatiser ou exagérer la distance de manière humoristique ou exaspérée.


Exemples d'utilisation

  • "Pour trouver ce magasin, il faut aller au diable vauvert, c'est tout au bout de la ville."

  • "Il a déménagé au diable vauvert, je ne le vois plus jamais."

  • "J'ai cherché mes clés partout, elles étaient rangées au diable vauvert !"


Expressions synonymes en français

  • Au bout du monde

  • Au fin fond de...

  • Loin de tout

  • Dans un trou perdu

  • À perpète les oies (plus ancien et familier)

  • À Pétaouchnok (très familier, d'origine russe)


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "In the middle of nowhere," "At the back of beyond."

  • Espagnol : "En el quinto pino," "En el culo del mundo."

  • Allemand : "Am A... der Welt," (très familier) ou "Gott und die Welt."

  • Italien : "In capo al mondo."

Variantes et dérivés

L'expression est assez figée. On peut parfois entendre "aller à Vauvert" pour signifier la même chose, mais l'ajout de "au diable" est ce qui rend l'expression vivante.

Usage contemporain

"Au diable vauvert" est toujours utilisée, bien qu'elle puisse sembler un peu désuète pour les plus jeunes. Elle est néanmoins comprise par la plupart des francophones et conserve tout son pouvoir évocateur d'un lieu très, très lointain.

jeudi 25 septembre 2025

Un jour, une expression - Au diable l'avarice

 



"Au diable l'avarice !" 

Signification

"Au diable l'avarice !" est une exclamation qui exprime la décision de dépenser sans compter, de ne pas lésiner sur les moyens, en rejetant délibérément toute considération d'économie ou de parcimonie. C'est un abandon temporaire mais assumé de la prudence financière, souvent dans un moment de générosité, de plaisir ou de nécessité.

L'expression équivaut à dire : "Tant pis pour l'économie !", "On ne va pas regarder à la dépense !", ou encore "Soyons généreux pour une fois !". Elle marque une rupture consciente avec l'attitude mesurée habituelle.

Origine et étymologie

Cette expression s'inscrit dans la longue tradition des locutions françaises où le diable sert de réceptacle symbolique pour ce dont on veut se débarrasser. La structure "au diable..." est un euphémisme pour "que le diable emporte...", formule d'exorcisme populaire.

L'avarice, l'un des sept péchés capitaux dans la tradition chrétienne, est ici personnifiée et littéralement "envoyée au diable". Il y a une ironie savoureuse : on combat un péché (l'avarice) en l'envoyant chez celui qui est censé être à l'origine de tous les péchés !

L'expression semble dater du XVIIIe siècle, période où ce type de tournures imagées se multiplie dans la langue populaire française.

Nuances d'usage

L'expression peut revêtir plusieurs tonalités :

  • Généreuse : quand on décide de faire plaisir sans compter
  • Résignée : quand une dépense s'impose malgré nos réticences
  • Festive : dans un contexte de célébration où l'on veut marquer le coup
  • Désinvolte : pour afficher une certaine insouciance face à l'argent

Exemples dans la vie courante

Situation familiale : "Pour l'anniversaire de maman, au diable l'avarice ! On lui offre ce voyage en Italie dont elle rêve depuis des années."

Entre amis : "Ce soir c'est ma promotion, au diable l'avarice ! La soirée est pour moi, commandez ce que vous voulez !"

Décision d'achat : "J'hésite depuis des mois pour cette guitare... Au diable l'avarice, je la prends ! On ne vit qu'une fois."

Contexte professionnel : "Pour le lancement du produit, au diable l'avarice ! On fait appel à la meilleure agence de communication."

Dans la littérature française

Honoré de Balzac utilise fréquemment cette expression dans La Comédie humaine, notamment pour caractériser les moments où ses personnages, souvent calculateurs, décident exceptionnellement de dépenser :

Dans Le Père Goriot, l'expression illustre les sacrifices financiers que consent le personnage éponyme pour ses filles.

Alexandre Dumas l'emploie dans Les Trois Mousquetaires pour souligner la générosité impulsive de D'Artagnan et de ses compagnons, contrastant avec leur situation financière précaire habituelle.

Émile Zola, dans L'Assommoir, utilise l'expression pour dépeindre les moments d'insouciance temporaire des classes populaires, souvent suivis de retours douloureux à la réalité économique.

Guy de Maupassant s'en sert dans ses nouvelles pour marquer les instants où la petite bourgeoisie normande, habituellement si économe, se laisse aller à quelques dépenses extraordinaires.

Variantes et expressions apparentées

  • "Au diable la dépense !" (sens inverse, mais même structure)
  • "Que le diable emporte l'économie !"
  • "Les cordons de la bourse, au diable !"

Usage contemporain

L'expression reste vivace dans le français contemporain, particulièrement appréciée pour son côté pittoresque et expressif. On la retrouve souvent dans :

  • Les médias économiques (de manière ironique)
  • La littérature moderne
  • Les conversations familiales lors de décisions d'achat importantes
  • Les contextes festifs (mariages, anniversaires, etc.)

Elle conserve tout son pouvoir évocateur et sa capacité à dramatiser avec humour la tension éternelle entre prudence et générosité, entre raison économique et élan du cœur.


Sens et signification

"Au diable l'avarice" est une expression qui signifie "laissons de côté l'avarice, soyons généreux". Elle est utilisée pour inciter à la dépense, à la prodigalité, ou pour justifier un achat ou une action qui semble excessive mais qui est jugée agréable ou nécessaire. L'expression exprime un renoncement momentané à la prudence et à l'économie, au profit du plaisir, de la générosité ou de la spontanéité.


Origine et étymologie

L'origine de l'expression est simple et directe : on "envoie au diable", c'est-à-dire que l'on rejette, on condamne, l'attitude de l'avarice. Le "diable" est une figure traditionnellement associée au mal et à la tentation, mais dans ce contexte, il est simplement le destinataire d'un rejet. L'expression est construite comme un ordre ou une exclamation, invitant à laisser de côté une attitude que l'on considère comme négative (l'avarice).


Registre et nuances

L'expression appartient au registre familier à courant. Elle est utilisée avec une intention de légèreté, souvent pour justifier une folie passagère ou un petit excès. Elle est souvent employée dans des situations où l'on se fait plaisir sans compter, ou lorsque l'on encourage quelqu'un d'autre à le faire.


Exemples d'utilisation

  • "Ce restaurant est cher, mais c'est notre anniversaire. Au diable l'avarice !"

  • "Elle hésitait à acheter la robe, mais je lui ai dit : 'Au diable l'avarice', elle te va si bien."

  • "Il a commandé une bouteille de champagne pour tout le monde, en disant : 'Au diable l'avarice'."


Expressions synonymes en français

  • Ne pas regarder à la dépense

  • Voir grand

  • Ne pas lésiner

  • Faire les choses en grand


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "To hell with it," "Let's live a little," "Money is no object."

  • Espagnol : "¡Al diablo con la avaricia!" ou plus communément "¡A la grande le pongo sombrero!" (expression argentine qui signifie faire les choses en grand)

  • Allemand : "Der Geiz ist vorbei," (l'avarice est terminée) ou "Lass uns nicht kleinlich sein." (ne soyons pas mesquins)

  • Italien : "Al diavolo l'avarizia."

Variantes et dérivés

L'expression est très figée. On peut toutefois l'entendre dans des tournures similaires comme "Au diable le protocole" ou "Au diable les conventions", qui ont le même sens de rejet d'une règle ou d'une attitude pour faire quelque chose de plus libre ou spontané.

Usage contemporain

L'expression est toujours utilisée, bien qu'elle puisse sembler un peu désuète pour certains. Elle a conservé sa force évocatrice et son caractère humoristique. On la retrouve fréquemment dans les conversations pour justifier un petit excès ou une petite folie.

mercredi 24 septembre 2025

Un jour, une expression - Numéroter ses abattis

 



Sens et signification

"Numéroter ses abattis" signifie être gravement blessé ou très fatigué, au point de ne plus pouvoir bouger ou d'anticiper de futures douleurs. L'expression exprime l'idée que l'on se sent "démantibulé", comme si chaque membre du corps était sur le point de se détacher ou avait besoin d'être identifié (numéroté) pour être remis en place. C'est une façon imagée de dire que l'on est en piteux état physique, soit par la fatigue, soit à la suite d'un choc ou d'une chute.


Origine et étymologie

L'origine de cette expression est militaire, mais avec un sens argotique. Le terme "abattis" désigne en argot les membres du corps, les bras et les jambes, comme s'il s'agissait de pièces détachées ou de morceaux "abattus". Il est à rapprocher du terme culinaire "abattis de volaille", qui désigne les ailerons, le cou, les gésiers, etc. L'idée de "numéroter" est une hyperbole humoristique pour suggérer que le corps est tellement brisé qu'il faudrait marquer chaque membre pour ne pas les confondre ou les perdre.


Registre et nuances

L'expression est du registre familier, voire populaire. Elle est très imagée et a une forte connotation d'humour noir ou d'auto-dérision. On l'utilise pour décrire son propre état après un effort intense ou un accident, souvent pour dramatiser la situation de manière amusante.


Exemples d'utilisation

  • "J'ai passé la journée à déménager, je suis crevé, je crois que je peux numéroter mes abattis."

  • "Après sa chute de vélo, il a dû se relever doucement en numérotant ses abattis."

  • "Les randonneurs étaient épuisés, à la fin de la journée, ils numérotaient leurs abattis."


Expressions synonymes en français

  • Avoir mal partout

  • Être cassé de fatigue

  • Être démoli

  • Avoir des courbatures (plus spécifique à la douleur musculaire)

  • Être en mille morceaux


Équivalents dans d'autres langues

  • Anglais : "To be in a lot of pain," "To feel like your body is falling apart." (Il n'existe pas d'équivalent direct, la traduction doit être paraphrasée).

  • Espagnol : "Estar hecho polvo," "Tener el cuerpo molido."

  • Allemand : "Völlig fertig sein," "Sich wie gerädert fühlen."

  • Italien : "Avere le ossa rotte," "Essere a pezzi."

Variantes et dérivés

L'expression est assez figée. On l'utilise parfois avec un autre verbe comme "compter ses abattis", mais "numéroter" est la version la plus répandue.

Usage contemporain

L'expression "numéroter ses abattis" est toujours utilisée, même si elle tend à être un peu moins courante que par le passé. Elle est surtout employée par les générations qui l'ont entendue dans le langage courant. Elle a conservé sa force comique et son caractère très évocateur.

"Numéroter ses abattis"

Signification : Cette expression signifie se préparer à mourir, s'attendre à des ennuis graves, ou être dans une situation très dangereuse. Elle exprime l'idée qu'on risque de "passer l'arme à gauche" et qu'il vaut mieux faire ses dernières volontés.

Origine et étymologie : L'expression puise dans le vocabulaire de la boucherie et de l'anatomie. Les "abattis" désignent :

  • En boucherie : les extrémités des volailles (cou, ailerons, pattes, gésier)
  • Par extension familière : les membres du corps humain (bras, jambes)

"Numéroter" fait référence à l'inventaire, au recensement méticuleux. L'image évoque donc le fait de "faire l'inventaire" de ses membres comme si on allait les perdre, à la manière d'un boucher qui étiquette ses morceaux.

L'expression daterait du XIXe siècle et appartient au registre familier avec une pointe d'humour noir.

Registre : Familier, avec une connotation humoristique qui dédramatise la gravité de la situation.

Exemples de la vie courante :

  • "Quand j'ai vu la tête du prof après avoir rendu ma copie blanche, j'ai su que je pouvais numéroter mes abattis !"
  • "Si le patron découvre que c'est toi qui as effacé le serveur, tu peux numéroter tes abattis."
  • "Avec cette tempête qui arrive, les marins peuvent numéroter leurs abattis."

En littérature : On trouve cette expression dans la littérature populaire, les romans d'aventures et les textes humoristiques pour créer un effet comique tout en évoquant le danger.

Cette expression illustre parfaitement l'art français de manier l'euphémisme et l'humour noir pour parler de situations graves !