dimanche 4 septembre 2016
Le petit tailleur de Galway - Miss Sara Cone Bryant
Il était une fois à Galway, en Irlande, un petit tailleur qui se mit en route, un beau matin, pour aller voir le roi, à Dublin.
Il venait à peine de partir lorsqu’il rencontra un cheval tout blanc. Comme il était bien élevé, il le salua.
- Le ciel vous aide! dit-il.
- Le ciel vous aide! répondit le cheval. Où partez-vous si tôt matin ?
- Je vais à Dublin, dit le tailleur, afin de bâtir une tour pour le roi, et obtenir ainsi sa fille en mariage.
Il faut savoir que depuis des mois, les envoyés du roi sillonnaient les villes et les villages d’Irlande afin de trouver celui qui serait capable de bâtir une tour pour le roi. En échange, le souverain avait promis sa fille en mariage ainsi qu’une très grosse somme d'argent. Hélas ! de nombreux Irlandais avaient essayé de bâtir la tour, mais, à chaque fois, trois géants qui vivaient dans un bois voisin venaient jeter par terre pendant la nuit l'ouvrage fait durant le jour, et par-dessus tout, ils mangeaient le constructeur.
Alors, le cheval dit au petit tailleur :
- Si tu voulais d'abord me faire un trou où je puisse me cacher, j’en serais bien heureux. Je suis fatigué d’aller au moulin ou au labourage. Quand les gens viendront me chercher, ils ne me trouveront pas !
- Volontiers, dit le petit tailleur.
Il tira de son sac sa bêche et sa truelle et fit un trou. Il demanda au cheval d'y entrer, pour voir s'il était assez grand mais quand le cheval blanc fut entré dans le trou, il n'en put plus sortir.
- Fais-moi un chemin par où je puisse sortir du trou quand je voudrai, dit le cheval.
- Oh! pas encore, dit le tailleur. Reste ici jusqu'à ce que je revienne, et alors je te ferai sortir.
Le jour suivant, le petit tailleur rencontra un renard.
- Le ciel vous aide! dit le renard.
- Le ciel vous aide! dit le tailleur.
- Où t'en vas-tu si tôt matin ? demanda le renard.
- Je vais à Dublin, voir si je peux bâtir une tour pour le roi.
- Si tu voulais d'abord m'arranger un endroit où je puisse me cacher, dit le renard. Les autres renards me battent et m'empêchent de manger.
- Bien volontiers, dit le petit tailleur.
Il prit sa hache et sa scie et fit un joli terrier. Il demanda ensuite au renard d'y entrer pour voir s'il était assez grand. Le renard y entra, et le tailleur ferma l'entrée.
- Laisse-moi sortir, à présent, dit le renard.
- Pour ça non, dit le tailleur. Attends ici jusqu'à ce que je revienne.
Le jour suivant, il rencontra un buffle.
- Le ciel vous aide! dit le buffle.
- Le ciel vous aide! répondit le tailleur.
- Où t'en vas-tu si tôt matin ? demanda le buffle.
- Je vais à Dublin, voir si je peux bâtir une tour pour le roi.
- Si tu voulais d'abord me faire une charrue, dit le buffle; les autres buffles et moi, nous pourrions labourer jusqu'à ce que vienne la moisson.
- Bien volontiers, dit le tailleur.
Il prit sa hache et sa scie, et fit une charrue. Dans le timon, il y avait un trou, et quand le buffle vint essayer la charrue, le tailleur lui prit la queue et l'enfonça dans le trou, où il la fixa avec une cheville, de sorte que le buffle ne put pas la retirer.
- Laisse-moi aller, maintenant, dit le buffle.
- Pour ça non, répondit le petit tailleur, attends ici jusqu'à ce que le revienne; et il repartit pour Dublin.
Quand il arriva dans la capitale, il engagea des maçons et commença à bâtir la tour. A la fin du premier jour, il fit poser une grosse pierre en équilibre sur le mur, et plaça un levier dessous, de façon à pouvoir la faire bouger facilement. Ensuite, les maçons s'en allèrent, mais le tailleur se cacha derrière le mur.
Lorsque la nuit fut venue, les trois géants sortirent du bois, et commencèrent à démolir la tour. Mais quand ils arrivèrent sous la grosse pierre, le petit tailleur fit manœuvrer son levier et la pierre tomba sur un des géants et le tua. Les deux autres furent si étonnés qu'ils se sauvèrent tout de suite.
Les maçons revinrent le lendemain matin, et travaillèrent jusqu'à la nuit; puis ils mirent la pierre sur le mur, avec le levier, comme la veille, et s'en retournèrent, mais le tailleur se cacha encore derrière le mur.
Quand tout le monde fut endormi, les deux géants revinrent, et comme ils approchaient de l'endroit où se trouvait la grosse pierre, le tailleur fit manœuvrer son levier, et la pierre tomba sur un des géants et le tua. Le troisième géant s'en alla, et ne revint plus.
Quand la tour fut finie, le petit tailleur demanda au roi l'argent et la princesse, mais le roi lui dit qu'il ne les aurait pas avant d'avoir tué le troisième géant.
- Bon, dit le petit tailleur, ce ne sera pas long.
Il alla dans la forêt, et, quand il arriva chez le géant, il lui demanda s'il n’aurait pas besoin d'un domestique.
- Oui, dit le géant, à condition qu'il puisse faire tout ce que je ferai moi-même, sans cela, je le mangerai.
- Je ferai tout ce que tu feras, dit le tailleur.
Ils entrèrent dans la caverne où le dîner était en train de cuire, et le géant demanda au tailleur s'il oserait boire autant de bouillon brûlant qu'il en avalerait lui-même.
- Certainement, dit le tailleur, laissez-moi seulement une heure pour me préparer.
Il alla acheter un grand morceau de cuir, dont il fit un sac qu'il glissa sous ses habits. Puis il rentra et dit au géant de commencer. Le géant avala une soupière de bouillon brûlant.
- Ce n'est que ça ? dit le tailleur. Et il versa une soupière de bouillon brûlant dans son sac en faisant semblant de le boire. Le géant avala une autre soupière, et le tailleur continua son manège, puis il dit :
- Je vais faire à présent une chose que tu n'oseras jamais faire.
- Quoi ? demanda le géant.
- Je vais faire un trou dans mon estomac et laisser couler le bouillon, dit le tailleur.
Et il prit son couteau, et fendit le sac de cuir, et le bouillon coula par terre.
- A ton tour, dit-il.
Le géant se donna un grand coup de couteau, si fort qu'il se fendit le ventre et en mourut.
Le petit tailleur alla trouver le roi et réclama la princesse et l'argent, disant qu'il jetterait le château par terre si on ne les lui donnait pas. Les gens de Dublin eurent peur et on lui donna la princesse et l'argent.
Lorsque le petit tailleur fut parti, dans une belle voiture à deux chevaux emmenant avec lui la princesse, le roi et les gens de la ville se repentirent de la lui avoir donnée et ils se mirent à courir après lui. Ils arrivèrent bientôt à l'endroit où était le buffle, et celui-ci leur dit :
- Si vous me relâchez, je galoperai après eux et je les atteindrai.
Ils relâchèrent le buffle, et voilà le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Quand ils arrivèrent à l'endroit où était le renard, le renard leur dit :
- Si vous me laissez sortir, je courrai " après eux et je les atteindrai.
Ils laissèrent sortir le renard, et voilà le renard, le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Quand ils arrivèrent à l'endroit où était le vieux cheval blanc, le cheval leur dit :
- Si vous voulez me laisser sortir, je courrai et je les atteindrai.
Ils le laissèrent sortir, et voilà le cheval, le renard, le buffle et les gens de Dublin courant après le petit tailleur et la princesse.
Lorsque le petit tailleur se vit poursuivi, il descendit de la voiture et s'assit par terre, sur ses talons.
- Ah! dit le vieux cheval blanc; c'est comme cela qu'il se tenait quand il faisait le trou dont je n'ai pas pu sortir! Je ne vais pas plus loin.
- Ah! dit le renard; c'est comme cela qu'il se tenait quand il fit le terrier dont je n'ai pas pu sortir! Je ne vais pas plus loin.
- Ah! dit le buffle; c'est comme cela qu'il se tenait quand il faisait la charrue dont je n'ai pas pu me débarrasser! Je ne vais pas plus loin.
Voyant cela, les gens de Dublin prirent peur et s'en retournèrent aussi.
Le tailleur et la princesse arrivèrent à Galway et ils y vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours.
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