mercredi 25 juillet 2018

IX. La tortue.



IX. La tortue.

Un jour qu’elle était assise à l’entrée de sa cabane, rêvant tristement comme de coutume à ses amis, à son père, elle vit devant elle une énorme Tortue.

« Blondine, lui dit la Tortue d’une vieille voix éraillée, Blondine, si tu veux te mettre sous ma garde, je te ferai sortir de cette forêt.

– Et pourquoi, Madame la Tortue, chercherais-je à sortir de la forêt ? C’est ici que j’ai causé la mort de mes amis, et c’est ici que je veux mourir.

– Es-tu bien certaine de leur mort, Blondine ?

– Comment ? il se pourrait ?… Mais non, j’ai vu leur château en ruine ; le Perroquet et le Crapaud m’ont dit qu’ils n’existaient plus ; vous voulez me consoler par bonté sans doute ; mais, hélas ! je ne puis espérer les revoir. S’ils vivaient, m’auraient-ils laissée seule, avec le désespoir affreux d’avoir causé leur mort ?

– Qui te dit, Blondine, que cet abandon n’est pas forcé, qu’eux-mêmes ne sont pas assujettis à un pouvoir plus grand que le leur ? Tu sais, Blondine, que le repentir rachète bien des fautes.

– Ah ! Madame la Tortue, si vraiment ils existent encore, si vous pouvez me donner de leurs nouvelles, dites-moi que je n’ai pas leur mort à me reprocher, dites-moi que je les reverrai un
jour ! Il n’est pas d’expiation que je n’accepte pour mériter ce bonheur.

– Blondine, il ne m’est pas permis de te dire le sort de tes amis ; mais si tu as le courage de monter sur mon dos, de ne pas en descendre pendant six mois et de ne pas m’adresser une question jusqu’au terme de notre voyage, je te mènerai dans un endroit où tout te sera révélé.

– Je promets tout ce que vous voulez, Madame la Tortue, pourvu que je sache ce que sont devenus mes chers amis.

– Prends garde, Blondine : six mois sans descendre de dessus mon dos, sans m’adresser une parole ! Une fois que nous serons parties, si tu n’as pas le courage d’aller jusqu’au bout, tu resteras éternellement au pouvoir de l’enchanteur Perroquet et de sa sœur la Rose, et je ne pourrai même plus te continuer les petits secours auxquels tu dois la vie pendant six semaines.

– Partons, Madame la Tortue, partons sur-le-champ, j’aime mieux mourir de fatigue et d’ennui que de chagrin et d’inquiétude ; depuis que vos paroles on fait naître l’espoir dans mon cœur, je me sens du courage pour entreprendre un voyage bien plus difficile que celui dont vous me parlez.

– Qu’il soit fait selon tes désirs, Blondine ; monte sur mon dos et ne crains ni la faim, ni la soif, ni le sommeil, ni aucun accident pendant notre long voyage ; tant qu’il durera, tu n’auras aucun de ces inconvénients à redouter.

Blondine monta sur le dos de la Tortue. « Maintenant, silence ! dit celle-ci ; pas un mot avant que nous soyons arrivées et que je te parle la première. »

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