mardi 31 mars 2015

Une histoire de salade


Une histoire de salade

L'histoire que je vais raconter n'est pas une histoire de bonimenteur. Raconter des salades n'est pas son but car ces salades là ne sont que des mots que l'on jette en l'air pour faire avaler un mensonge assaisonné de quelques épices d'humour, d'un trait d'excuses imaginées, parsemé de vrai et de faux, le tout fatigué sur un ton convaincant pour que la chose ait des chances de passer. La salade dont il est question ici est une laitue pommée, de taille moyenne, d'un joli coloris vert qui fleure bon la fraîcheur. Au moment où je fais sa connaissance, elle est encore emballée. Elle attend de prendre une douche. Mais commençons par le commencement.

L’histoire se passe un 30 mars, à une année jour pour jour du moment où j'écris ces lignes. Nous sommes en mars et pourtant le ciel a revêtu son plus beau costume d'azur orné d'un joyau ensoleillé du meilleur effet qui brille de tous ses rayons. Ce n'est que le matin et le mercure est déjà haut. L'après-midi s'annonce estival. Une journée printanière d'été.


Fortuna, la divinité italique allégorique du hasard et de la chance a laisser traîner sa main vers les pauvres humains que nous sommes et a déposé, le temps d'une fin de semaine, une Jaguar F Type cabriolet, véritable voiture de sport d'un joli italian racing red, devant notre porte. Qu'en faire ? mais rouler pardi. C'est une occasion unique pour rouler cheveux au vent en faisant vrombir le moteur tout en respectant les limitations de vitesse. Où aller ? quelque part où un voyage aurait du sens. Chemin faisant, les tours des roues nous emmènent à 200 kilomètres de chez nous, là où nous sommes certains de rencontrer bon accueil et d'intéresser un amateur de voiture. Le trajet n'est pas long. Deux petites heures sur des routes guère chargées monde. Nous arrivons face à la dune plantée d'oyats dans l'air qui sent l'iode et les embruns.

Nous n'avons pas prévenu. C'est mieux ainsi. Nous ne faisons que passer. Inutile de déranger. Inutile d'occasionner des frais. Au mieux, nous ne prendrons qu'un verre avant de rentrer par des chemins ensoleillés.

L'accueil est chaleureux même si nous arrivons en pleine préparation du repas qu'on nous propose de partager. Nous refusons. "Nous ne faisons que passer. Inutile de vous déranger" On insiste un peu, beaucoup, On se laisse convaincre car ce sera simple et rapide. Moi, je ne fais pas partie de la fête, je ne peux pas manger et je dois rentrer tôt. La vie a parfois certains impératifs que je ne demande pas qu'on comprenne, seulement qu'on accepte. Le temps passe. Le conducteur s'impatiente. Il s'excuse. Il est temps de partir.

Dans la cuisine, la salade n'est toujours pas assaisonnée. Sur le barbecue, la viande tarde à cuire et qui plus est, il n'y en a pas assez pour trois. On n'aurait jamais dû s'attarder. Pourquoi s'est-on laissés embarquer dans quelque chose que nous ne désirions pas ? Nous le saurons pour l'avenir. Il ne faudra plus changer nos plans.


Moi je veux voir la mer

Je voudrais voir la mer et ses plages d'argent
Et ses falaises blanches, fières dans le vent
Je voudrais voir la mer et ses oiseaux de lune
Et ses chevaux de brume et ses poissons volants (Michel Rivard)

Il y a foule sur la plage et des enfants téméraires sont entrés dans l'eau. Debout sur la digue, face à l'eau, je ressens une sensation de liberté. Mes yeux se perdent sur les frêles esquifs qui passent au loin telles des coquilles de noix. Pourtant, pas le temps de rêver, il faut nous en aller. Deux heures de route pour rentrer chez nous. Nous n'avons pas été longtemps absents. Pour rassurer, nous appelons et on nous dit que c'était une bonne idée d'être passés ais qu'il aurait fallu prévenir.

Ce fut une belle journée.


Normalement, l'histoire aurait dû se terminer là, sur les bonnes vibrations de la rencontre et celles de la mer mais c'était sous-estimer le pouvoir destructeur de la salade et de sa vinaigrette.

Les semaines et les mois passent. De messages en marques d'affection, de coups de téléphone en cartes électroniques, la vie suit son cours jusqu'à la mi-juillet, après un dernier appel qui ne laisse rien supposer. Le dialogue est brutalement interrompu...

J'essaye de comprendre. Je demande l'aide de quelqu'un qui ne sait rien mais qui pourtant dit tout. C'est la faute à la salade. Je suis sans voix. La vie ne se résume pas à quelques feuilles de verdure et prendre des excuses légumières n'a pas beaucoup de sens. Il y a tant de choses à voir, à faire, à aimer pendant notre petit passage sur terre. Je ne me sens pas responsable ; seulement triste et déçue. Voilà une histoire qui finit mal.

1 commentaire:

  1. 50nuancesdemoi.com1 avril 2015 à 10:25

    Excuses légumières ... Les miennes étaient florales !
    Un dernier geste vert pour la planète peut-être ??
    Certains ne font que passer dans nos vies plus ou moins longtemps ^+^

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