vendredi 10 août 2018

III. Conseil de famille.




Pendant que Rosette n’était occupée que de pensées riantes et bienveillantes, le roi, la reine et les princesses Orangine et Roussette étouffaient de colère ; ils s’étaient réunis tous quatre chez la reine.

« C’est affreux, disaient les princesses, d’avoir fait venir cette odieuse Rosette, qui a des parures éblouissantes, qui se fait regarder et admirer par tous les nigauds de rois et de princes. Est-ce donc pour nous humilier, mon père, que vous l’avez appelée ?

– Je vous jure, mes belles, répondit le roi, que c’est par ordre de la fée Puissante que je lui ai écrit de venir ; d’ailleurs j’ignorais qu’elle fût si belle et que…

– Si belle ! interrompirent les princesses ; où voyez-vous qu’elle soit belle ? Elle est laide et bête ; c’est sa toilette qui la fait admirer. Pourquoi ne nous avez-vous pas donné vos plus belles pierreries et vos plus belles étoffes ? Nous avons l’air de souillons, près de cette orgueilleuse.

– Et où aurais-je pris des pierreries de cette beauté ? Je n’en ai pas qui puissent leur être comparées. C’est sa marraine, la fée, qui lui a prêté les siennes.

– Pourquoi aussi avoir appelé une fée pour être marraine de Rosette, tandis que nous n’avions eu que des reines pour marraines ?

– Ce n’est pas votre père qui l’a appelée, reprit la reine ; c’est bien la fée elle-même qui, sans être appelée, nous apparut et nous signifia qu’elle voulait être marraine de Rosette.

– Il ne s’agit pas de se quereller, dit le roi, mais de trouver un moyen pour nous débarrasser de Rosette et empêcher le roi Charmant de la revoir.

– Rien de plus facile, dit la reine ; je la ferai dépouiller demain de ses bijoux et de ses belles robes ; je la ferai emmener par mes gens, et on la ramènera à sa ferme, d’où elle ne sortira plus jamais. »

À peine la reine eut-elle achevé ces mots, que la fée Puissante parut, l’air menaçant et irrité.

« Si vous touchez à Rosette, dit-elle d’une voix tonnante, si vous ne la gardez ici, et si vous ne la faites assister à toutes les fêtes, vous ressentirez les effets de ma colère. Vous, roi indigne, vous, reine sans cœur, vous serez changés en crapauds, et vous, filles et sœurs détestables, vous deviendrez des vipères. Osez maintenant toucher à Rosette ! »

En disant ces paroles, elle disparut. Le roi, la reine et les princesses, terrifiés, se séparèrent sans oser prononcer une parole, mais la rage dans le cœur ; les princesses dormirent peu, et furent encore plus furieuses le lendemain, quand elles virent leurs yeux battus, leurs traits contractés par la méchanceté ; elles eurent beau mettre du rouge, du blanc, battre leurs femmes, elles n’en furent pas plus jolies. Le roi et la reine se désolaient autant que les princesses, et ne voyaient pas de remède à leur chagrin.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire