mardi 10 juin 2014

Retour à mes premières amours...

On peut jouer à l'autruche et se mettre la tête dans le sable, il arrive toujours que la passé nous rattrape. Cela s'est produit pas plus tard qu'hier. Un orage, une heure à tuer loin de ce qui consomme de l'électricité, et voilà la belle aventure qui recommence.


Il y a bien longtemps, dans une autre vie, j'ai créé sous le nom de Clo7, durant de longues années, un site internet qui s'appelait "La langue de chez nous". C'était un espace dédié à la langue française - le premier endroit du genre où on pouvait trouver "un peu de tout" - un voyage au pays des mots et de la langue française : son histoire, son rôle ; moins drôle sa grammaire et son orthographe; l'expression orale et celle écrite, les genres littéraires, le vocabulaire... C'était un endroit fort visité à tel point que l'Institut International pour le Renforcement des Capacités en Afrique sous l'égide de l'Unesco est venu y puiser des pages afin d'en réaliser un CD-Rom. Mais ça, c'était avant car comme toutes les pages sur les sites gratuits, l'ensemble des informations a disparu de la surface de la toile.


Mise à jour au 25/06/2014 - Il semblerait cependant que certaines pages "empruntées" se trouvent toujours aujourd'hui sur la toile... Je fais donc un travail de fourmi pour tenter de récupérer ce qui peut l'être et poster sur ce blog les résultats de mes recherches. Si vous possédez des copies de mes pages, merci de prendre contact avec moi :) MERCI

Copier/coller signé par "l'auteur" et mentionnant "tous droits réservés" posté en 2010...
http://termesregionauxetnomsdelieux.blogspot.be/2010/03/histoire-de-la-langue-francaise.html

On retrouvera mon texte de base, un peu remanié sur ce blog à la date du 25 juillet 2014 :)

Mise à jour au 03/08/2014 - Ces pages "empruntées" non contentes d'être copiées/collées vont parfois même jusqu'à mentionner une source imaginaire :) exemple -
http://www.provencal.fr/tag/made+in+mouse Source : Wikipedia


Pas grave, me dis-je, je dois avoir une copie quelque part... C'était sans compter sur les gremlins tellement nombreux dans les appareils électroniques mais aussi sur les cambrioleurs qui ont emportés mon ordinateur car de copie, il n'y en avait point. Me voilà libre de toutes attaches pour plonger dans un bain de jouvence de lettres, de mots, de textes et de livres.

Venise - 25 mai 2014 - le français est partout...
Première étape : je voudrais partager une nouvelle de Michel Marx qui m'accompagne depuis plus de vingt ans. Elle se trouvait sur le site et ailleurs aussi. Bonne lecture.

Les petites rides - Michel Marx

Mensuel Avantages, décembre 1990 

Mon amour,

Je t'écris de Paris, où tout le monde s'ennuie de toi, surtout moi. J'ai de la patience, rassure-toi, il n'y a pas d'autre garçon pour moi, tu commences à savoir comment je suis, sauvage et simple à la fois. Si tu es sage et que tu as ta permission à Noël, nous passerons les fêtes ensemble. J'ai prévu de réunir, pour la première fois, nos deux familles. Tes parents sont fiers que tu fasses ton service militaire, ils croient que l'armée fabrique les hommes. J'ai prévenu les miens, qui sont plus proches de notre avis sur la question, de ne pas leur en vouloir. "Vous changerez de sujet de conversation quand ça n'ira pas ! leur ai-je dit, mais j'espère qu'il n'y aura pas trop souvent à en changer !" Enfin, nous sommes en novembre, plus qu'un mois à attendre, qu'est-ce que c'est quand on pense que nous avons mis dix-sept ans pour nous rencontrer, n'est-ce pas Roméo, qu'est-ce qu'un mois ?

J'ai pourtant du mal à comprendre comment le temps passe, là où tu es, à faire des choses que tu n'as jamais faites et que tu ne referas sans doute jamais, toutes les absurdes occupations dont tu me parles dans tes courriers : la course à pied en pleine nuit, le cirage des sols à l'aube, les leçons de tir ; tes précieux courriers que je garde dans le tiroir de ma coiffeuse comme une collection de grigris. Roméo, il y a une chose dont je ne t'ai jamais parlé, peut-être parce que d'être l'un près de l'autre tous les jours ne me facilitait pas la tâche, peut-être parce que je n'étais pas sûre de t'aimer assez pour cela. Aujourd'hui, l'heure est venue d'être honnête, de te raconter ma véritable enfance, à propos de laquelle j'ai toujours menti à tout le monde pour avoir la vie tranquille. Mais si tu veux construire un avenir avec moi, ce n'est plus aussi simple, et tu dois accepter ce que j'ai été.


Mon frère jumeau et moi, nous avons un secret : quand nous étions petits nous possédions chacun un don. Le sien, à Jules nous l'avons découvert, lui et moi, l'année de nos sept ans, l'âge de raison comme le prétendent les adultes. C'était à la campagne, puisque tu sais que nous avons grandi dans le sud-ouest de la France, après avoir quitté l'Afrique, la Chine et le Maroc. Nos parents en avaient assez de jouer les professeurs itinérants. "Il faut que les enfants se stabilisent" leur avait dit quelqu'un, une espèce de psychiatre, je ne sais plus bien. Enfin, ils ont écouté cette personne et nous avons pris un train jusqu'au nord de l'Espagne, puis un autocar jusqu'à Bagnères-de-Luchon. Il y a de cela onze ans mais je m'en souviens comme si c'était hier, d'avoir eu mal au cœur et d'avoir vomi plusieurs fois sur la route, et de l'air hagard de mon frère, et du regard inquiet de nos parents. Nous retournions en France, le pays de nos origines, dans la maison que notre grand-mère, morte depuis si longtemps que je ne l'ai pas connue, nous avait léguée. A quinze ans, elle avait fui l'Espagne où l'on voulait la marier au simplet du village. Elle avait fui à pied, enceinte de cet homme, et, avec ses économies, elle avait acheté ma maison parce qu'elle était sans confort mais qu'elle avait de bonnes pierres qui la protégeaient de tous les ennuis de la planète. Elle avait élevé son enfant toute seule, craignant que ce ne fût une folle, mais c'était Maman, et la nature avait eu le dessus, puisque tu la connais et qu'elle est intelligente, un peu trop parfois mais quand même...


Le jour de notre arrivée, il fallut désherber le jardin que les ronces avaient envahi, dépoussiérer les meubles que les toiles d'araignées n'avaient pas épargnés, battre la literie où les souris s'étaient domiciliées, aérer les pièces, bref, recomposer cette demeure abandonnée depuis des lustres. Maman réveillait l'atmosphère avec de la musique. "Du Vivaldi, elle disait, rien n'est meilleur pour avoir du rythme, de la fougue et du cœur à l'ouvrage !". J'aurais préféré entendre mes propres disques mais maman avait ses lubies et chacun fit au mieux. En fin d'après-midi, fourbus, Jules et moi, nous décidâmes d'explorer les alentours. Nos parents nous accordèrent une heure, parce qu'il était déjà un peu tard et que nous ne connaissions personne, on aurait bien le temps par la suite de s'habituer. On se dépêcha donc de sortir de la petite ville, ce qui faut rapide, et l'on grimpa dans la montagne. Jules avait sa montre à gousset d'enfant. Il savait qu'il fallait s'arrêter lorsque la grande aiguille aurait parcouru la moitié du cadran pour pouvoir être de retour à l'heure convenue. C'est lui qui était responsable du voyage, moi, je ne portais pas de montre, tu sais que je ne les aime pas. Tu te souviens du premier cadeau que tu m'as offert, c'était une jolie montre de jeune fille avec un calendrier, que tu as dû rapporter à la boutique, un peu vexé, pour l'échanger contre une babiole sans utilité, les seuls objets que j'apprécie parce qu'ils m'amusent et que la futilité quand on réfléchit bien, a plus de valeur qu'on ne le croit.


Alors, après avoir gambadé, tels deux faons agités, et descendu en riant tout le flanc d'une colline, nous nous retrouvâmes coincés, en bas d'un chemin de terre, derrière une immense grille de fer forgé, trace d'un vieux château disparu n'ayant laissé que ce vestige singulier au travers duquel même Jules, qui pourtant était fin comme une anguille, ne pouvait se faufiler. Il nous fallait refaire tout le chemin en sens inverse pour retrouver la route, et la grande aiguille de sa montre nous indiquait que nous n'avions plus le temps si nous voulions rentrer à l'heure. Nous ne serions pas punis mais nos parents s'inquiéteraient, et puis, un rendez-vous est un rendez-vous. C'est sûrement ce désir d'exactitude, cette nécessité qui poussa mon frère à découvrir son don. Il saisit de ses mains minuscules deux énormes barreaux qui nous narguaient et il les écarta ans effort, sans douleur et sans bruit. Il avait simplement ouvert en grand les yeux.


Au retour, on ne dit rien aux parents. Avant le dîner, alors que je me trouvais assise, seule dans le jardin, à me demander comment nous pourrions leur expliquer ce phénomène, une sensation de chatouillement au mollet me saisit. Suivant je ne sais quelle intuition, je montai sur le banc où j'étais et je te jure, Roméo, je te jure que, sans pouvoir t'expliquer comment, je n'avais pas encore réalisé ce qui m'arrivait que déjà je planais bien au-dessus de notre maison, les bras écarté comme les ailes d'un oiseau, et je volais, Roméo, je volais pour de bon. J'avais simplement ouvert en grand les yeux.

Je ne m'éloignai pas trop de chez nous cette fois-là, j'appréciais suffisamment la situation. Je t'assure que quand on a passé sa vie à sentir le sol cogner contre ses talons, il suffit déjà d'être en l'air pour avoir l'impression d'être loin. Je suis redescendue comme j'étais montée, sans effort, sans douleur et sans bruit, et j'ai atterri là d'où je venais. Quelque chose me soufflait qu'il n'y avait qu'à le vouloir pour recommencer. Je refis un tour du jardin à basse altitude et je croisai le regard de Jules qui, d'une fenêtre de la maison, plissant les paupières, souriait en m'observant. Cela lui dessinait des petites rides en éventail sous les yeux ces petites rides qu'il a toujours gardées. Elles lui donnent aujourd'hui ce charme délicat qui plaît aux filles du quartier et cet air de tout savoir alors que, comme moi, il n'a que dix-huit ans. Ces petites rides que je porte aussi - elles te séduisent tant - sont notre marque de fabrique, à Jules et à moi. les rides, c'est un réservoir à sagesse.


Vers vingt heures, comme nous passions à table, Papa nous demanda si nous nous plaisions dans ce nouvel endroit. Il dit qu'il irait le lendemain confirmer nos inscriptions à l'école, réservées depuis le Maroc pour être certain que nous ayons une place à la rentrée. Il nous expliqua qu'on serait mélangés dans la classe, qu'il y aurai des enfants de tous les âges, mais que ce serait mieux au collège dans trois ans si tout allait bien et que nous restions ici. Il nous déclara aussi qu'avec Maman, ils avaient un secret, qu'il fallait qu'on le connaisse, mais qu'on n'avait pas le droit d'en parler parce que personne ne comprendrait et que l'on deviendrait la proie des jaloux. Le secret, c'était qu'ils ne seraient plus professeurs car, pendant notre balade, ils avaient trouvé un moyen de rester à la maison. En nettoyant la cave, ils avaient déniché une machine extrêmement curieuse, recouverte de tissus rongés en partie par les mites et dont l'embouchure était un tuyau aboutissant à un rail encastré dans le sol. Ils avaient retiré ce voile qui était tombé en poussière au premier de leurs mouvements et Papa avait dit : "Ce doit être un ancien chauffage ou quelque instrument de e genre." Seulement, comme ils ouvraient en grand les yeux pur comprendre comment il fonctionnait et que Maman souhaitait que l'appareil fût utile, il avait craché par son embouchure, sans effort, sans douleur et sans bruit, des dizaines de bûches de bois, le nombre nécessaire à la survie de la maisonnée pour tout un hiver. Papa avait alors pensé au repas où il nous mettraient au courant de leur découverte et les plats étaient sortis, fumant et sentant bon les épices et les sauces, dans les grandes assiettes en porcelaine qui étaient maintenant devant nous, de la porcelaine blanche avec des décorations en bordure qui n'étaient pas les mêmes selon qu'elles contenaient de la soupe, des endives, de la viande, du fromage ou de la crème. Quelque chose de très fantaisiste, Roméo, mais de très agréable. Tout ainsi nous serait fourni selon nos désirs et nous ne serions jamais séparés. On expliqua nos dons aux parents : en cas d'ennuis sur le chemin de l'école, Jules saurait se défendre et moi rentrer en vitesse en survolant la contrée. Il nous suffirait aux uns et aux autres de simplement ouvrir en grand les yeux.


On fit croire dans la ville que nos parents étaient comptables et qu'ils travaillaient à demeure pour des sociétés de Paris. Jules n'abusa jamais de sa force pour ne pas éveiller les soupçons, et moi, personne ne remarqua jamais que je planais quotidiennement au-dessus des toits de notre ville. Même les ramoneurs ne levèrent pas la tête plus haut que les cheminées où ils s'engouffrent tels de grands morceaux de charbon désarticulés. Et qui, ayant vu une petite fille voler dans les airs irait s'en vanter, dis-le moi Roméo ? Je te l'assure, on filait des jours très heureux. Et puis, Jules et moi, nous eûmes douze ans, c'était normal même dans ces conditions dont je te parle, le temps coulait bon train. C'était comme dans les Quatre Saisons de Vivaldi dont raffolait Maman, nous ne pouvions rien à cet enchaînement, qu'essayer de le vivre au mieux comme nous le faisions tous les quatre, la machine de la cave réalisant nos vœux, Jules et moi associant nos dons, les uns aux autres.

Cette année-là, en survolant la région, j'avais découvert une usine d'armement où Jules et moi, nous allions remplir nos poches de billes de plomb de toutes les tailles pour organiser des parties animées aux récréations. Personne au collège ne savait d'où elles provenaient et les copains s'évertuaient à les gagner. La plus petite des nôtres représentait la valeur de dix de leurs plus belles et ils y perdaient des sacs entiers. Jules me rejoignait à l'usine en prenant des raccourcis, en déplaçant les clôtures, en traversant des granges abandonnées, en forçant les pistes impraticables. Nous nous y rendions les dimanches, jamais nous n'y avions rencontré qui que ce soit. Le jour de Noël, Jules voulu réalimenter nos réserves. La rentrée de janvier serait riche en jeux, il faudrait tenir les paris, ne jamais être à court de ces billes si féeriques que lorsque l'on se penchait, même si l'on était dix, on se voyait tous bouger dedans, nos vêtements prenant des allures de tapis volants de couleurs, nos visages de fantômes endimanchés liés en farandoles.


Mais ce jour-là, alors que nous repartions joyeux et les poches pleines, un homme gigantesque se mit en travers de la sortie des bâtiments. Il portait un habit de gardien et je me rappelle parfaitement ses mains qui se tenaient au cadre de la porte, c'étaient de grosses pognes dangereuses Je souriais intérieurement. Qu'avions-nous à craindre, alors qu'il nous suffisait d'ouvrir en grand les yeux ? "C'est donc vous les sales petits voleurs ! Il y a belle lurette que je voulais vous pincer !" On aurait dit que ses dents bougeaient au rythme de ses paroles envenimées. Sombre ses dents, sombres ses paroles. Mais j'avais beau me concentrer, tandis qu'il nous continuait de nous houspiller, chercher le chatouillement salvateur, rien ne venait. Son ventre massif et ses jambes trapues nous barraient le passage, je levai les yeux vers le toit et je vis qu'aucune ouverture ne me permettait de le traverser. Jules avait beau chercher à l'intérieur de lui la force qui nous libérerait, apparemment rien ne se manifestait davantage de son côté. Nous étions deux jeunes gens pris en faute et ce gardien semblait tenir notre destin dans ses mains. Lourdes ses mains. Lourd notre destin. Pour la première fois depuis la découverte de nos dons, malgré nos efforts répétés, nous nous retrouvâmes piégés. Notre douleur était incommensurable, des larmes inondèrent nos joues. Nos cœurs produisaient un son de billes entrechoquées, un bruit grandissant. C'est ainsi que, par peur d'être frappés, on commit l'erreur sûrement irrémédiable de fermer tous les deux les yeux. Alors, nous tomba dessus un sentiment de perte infini, et le gardien satisfait, conclut en grognant : "Je vous laisse une chance parce que c'est la Noël mais que je ne vous revoie jamais ici, sinon je vous arrête. Vous n'aurez pas de deuxième chance !" Il s'écarta du passage en faisant craquer fièrement les articulations de ses poings.

Nous rentrâmes avec difficulté par la longue route. Je voyais nos ombres écrasées par le soleil chercher une issue dans la neige. Le blanc de l'hiver et le gris de nos peines marquaient ces contours entrelacés. Nous n'avions plus qu'une poignée de billes pour le restant de nos jours, il ne nous les avaient même pas réclamées. Quelle importance avaient-elles pour ce monstre, elles n'étaient après tout qu'une perte dérisoire pour l'usine. Mais il avait rempli son rôle, ce qui pour lui état le principal, nous n'y retournerions plus, gardien ou non en vue. Quand à nous, avions-nous encore l'âge de jouer aux billes et à quoi nous servaient-elles désormais si elle n'avaient plus que le poids de nos souvenirs ? Nous arrivâmes pour trouver nos parents mortifiés dans la cuisine. Ils avaient à nous annoncer une mauvaise nouvelles : la machine ne donnait plus rien. Ils étaient descendus dans la journée pour lui demander les cadeaux que nous leur avions commandés, la dinde et la bûche du repas de fête, mais rien n'était venu. Ils avaient eu beau faire des efforts, taper dans tous les sens à s'en briser les mains provoquant un bruit à réveiller toutes les souris du voisinage, la machine n'avait pas bronché. C'est ainsi qu'ils avaient commis tous les deux l'erreur fatale de fermer les yeux pour chercher une solution et, alors, ils n'en avaient pas trouvé. Nous leur apprîmes la perte de nos propres dons. Papa déclara qu'il fallait quitter cette demeure où, désormais, nous ne pouvions subsister. C'est peu près le jour de l'an que nous prîmes le chemin de Paris, ayant abandonné les murs de Grand-Mère pour l'anonymat de la capitale. Les parents y avaient obtenu chacun un poste de professeur.


Cinq Noëls allaient passer avant que nous nous rencontrions, Roméo, quelques saisons qui allaient accentuer sournoisement ces petites rides que nous avons sous les yeux, Jules et moi, cinq Noëls, jusqu'à celui-ci où tu vas venir, à la fois triste, à la fois heureux, de ta caserne, ce Noël où nos familles partageront la dinde et lèveront leurs verres en fermant les yeux sur le temps qui passe.


Voilà, tu auras lu cette lettre, tu me regarderas et tu sauras tout, tu auras compris que l'enfance, c'est ouvrir grand les yeux, que les fermer, c'est faire pousser les rides, que c'est pour cela que l'on vieillit tous, parce que l'on croit qu'en se mettant à réfléchir, on arrange tout. Tu sauras aussi qu'il m'arrive encore, certaines fois, de rêver que je survole les maisons, que Jules écarte les barrières de ses petits bras magiques, que Papa et Maman sont dans la cave à regarder sortir le bonheur par les boyaux d'une fantastique machinerie silencieuse qui exauce tous nos voues. Tu sauras aussi que je t'aime, et que l'amour, c'est peut-être un peu prolonger l'enfance, regarder nos formes dans un miroir qui roule pour gagner le pari de l'éternité.

A bientôt, Roméo. Il te reste à ma dire ton enfance à toi. Tu sais maintenant que je la sentirai sans chercher à al comprendre, sans effort, sans douleur et sans bruit.

Ta Juliette

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