jeudi 19 avril 2018

Poil de Carotte - Le cauchemar



Le cauchemar

Poil de Carotte n’aime pas les amis de la maison. Ils le dérangent, lui
prennent son lit et l’obligent à coucher avec sa mère. Or, si le jour il possède
tous les défauts, la nuit il a principalement celui de ronfler. Il ronfle exprès,
sans aucun doute.
La grande chambre, glaciale même en août, contient deux lits. L’un est
celui de M. Lepic, et dans l’autre Poil de Carotte va reposer, à côté de sa
mère, au fond.
Avant de s’endormir, il toussote sous le drap, pour déblayer sa gorge.
Mais peut-être ronfle-t-il du nez ? Il fait souffler en douceur ses narines afin
de s’assurer qu’elles ne sont pas bouchées. Il s’exerce à ne point respirer
trop fort.
Mais dès qu’il dort, il ronfle. C’est comme une passion.
Aussitôt madame Lepic lui entre deux ongles, jusqu’au sang, dans le plus
gras d’une fesse. Elle a fait choix de ce moyen.
Le cri de Poil de Carotte réveille brusquement M. Lepic, qui demande :
– Qu’est-ce que tu as ?
– Il a le cauchemar, dit madame Lepic.
Et elle chantonne, à la manière des nourrices, un air berceur qui semble
indien.
Du front, des genoux poussant le mur, comme s’il voulait l’abattre, les
mains plaquées sur ses fesses pour parer le pinçon qui va venir au premier
appel des vibrations sonores, Poil de Carotte se rendort dans le grand lit où
il repose, à côté de sa mère, au fond.

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