mercredi 29 novembre 2017
Chants de l'enceinte des monts de Yölmo
POUR PROGRESSER SPIRITUELLEMENT
Je me prosterne aux pieds de l'excellent Guru.
Par les mérites accumulés j'ai rencontré le Maître.
Ici je suis venu car le Lama l'avait prophétisé.
Pays de Mön ! Site bienheureux de montagnes boisées,
Pays de pâturages et de fleurs écloses,
D'arbres dansants en multitude !
Terre de jeux des grands et petits singes,
Terre où piaillent les oiseaux,
Où les abeilles volètent doucement !
Jour et nuit l'arc-en-ciel scintille,
La pluie clémente tombe été comme hiver
Tandis qu'au printemps et en automne se forment les brumes.
Dans la solitude d'un tel lieu,
Moi le yogi Milarépa, je suis heureux
Des méditations lumineuses et du Vide de l'esprit.
Je suis bienheureux des myriades de conceptions,
Et plus heureux encore de tous les hauts et de tous les bas.
Je suis heureux de ce corps né sans mauvais karma,
Bienheureux de la variété des confusions,
Et plus heureux encore des apparences effrayantes.
Je suis heureux de la séparation éternelle d'avec la détresse,
Bienheureux des grandes férocités,
Et plus heureux encore de l'absence de maladies.
Je suis heureux que la douleur en bonheur se transforme,
Bienheureux de la force naturelle des exercices du yoga,
Et plus heureux encore de danser, sauter et courir.
Je suis heureux du trésor d'un chant de victoire,
Bienheureux de la mélodie fredonnée des mots,
Et plus heureux encore s'ils deviennent multitude de sons.
Je suis heureux dans l'espace sage et confiant d'un esprit vigoureux,
Bienheureux de la puissance qui spontanément se lève,
Et plus heureux encore quand elle reflète toutes sortes de perceptions.
Disciples venus à la rencontre d'un yogi heureux,
Faites en vous naître le bonheur !
NECTAR DES INSTRUCTIONS
O Lama Bouddha, Corps de Dharma !
Enseignant de la voie sans écarts vers la libération,
Sauvegarde des êtres vivants, pouvoir de la compassion,
Sans vous éloigner, demeurez l'ornement de ma tête !
Vous qui êtes assis, chercheurs et adeptes de la Doctrine,
Les pratiques du noble Dharma sont nombreuses,
Mais celui qui médite la voie profonde est vraiment fortuné !
Au moment d'atteindre en une seule vie à l'état de Bouddha,
N'intensifiez pas vos désirs de cette vie !
Sinon les souillures étoufferaient la vertu…
Ainsi viendrait la chute dans les mondes de misère.
Au moment d'effectuer le service du Guru,
Ne pensez pas : " J'ai fait ; il profite ! "
Car Maître et disciple s'en offenseraient…
Ainsi le but recherché ne serait pas atteint.
Au moment de sauvegarder les préceptes tantriques,
Ne dormez pas dans les villages des hommes !
Car naîtrait de cela l'accoutumance au mal…
Ainsi se dissiperait le vœu de Samaya.
Au moment d'étudier et de vous instruire,
Ne développez pas l'orgueil de votre rhétorique !
Sinon se rallumerait le feu dormant des cinq poisons…
Ainsi seraient troublées les pensées dévotionnelles.
Au moment de méditer avec des compagnons,
N'accumulez pas les tâches et les rôles !
Car le recueillement en serait dérangé…
Ainsi s'éteindrait la chance du Dharma divin.
Au moment de réfléchir aux ressources de la transmission orale,
Ne vous préoccupez pas de discipliner les démons !
Sinon se dresserait en ennemie votre race…
Ainsi se renforcerait l'emprise des pratiques villageoises.
Au moment où apparaissent l'expérience puis la réalisation,
Ne dévoilez ni votre position ni vos intuitions !
Sinon s'échapperait le langage symbolique du secret…
Ainsi s'assombrirait la qualité des acquisitions.
Sachant tout ceci, renoncez-y !
Renoncez aux nourritures impures, aux actions incorrectes,
Renoncez à charrier les intérêts des morts !
Ne prenez pas vos résolutions au regard de l'opinion d'autrui,
Comportez-vous avec humilité !
INSTRUCTIONS SUR LE COMPORTEMENT
Le mendiant prie le Maître bienveillant,
Qu'il lui accorde la grâce de versets harmonieux !
Vous les novices de l'étude,
Enfants des cités de l'artifice et du tourment,
Grâce à vos vertus la chance ne vous a pas quitté,
Vous avez écouté la Doctrine divine.
Vous n'avez pas pris le mauvais chemin
Et vous êtes venus à ma rencontre.
Toujours vous avez accumulé les mérites
Et vous êtes capables de méditer.
Quand la grâce a créé l'expérience et la réalisation,
Il devient inutile de vouloir se préserver.
Voici des instructions sur le comportement,
Par bonté je les donne, écoutez les explications !
A l'heure d'étreindre la solitude d'un ermitage,
N'évoquez pas le spectacle des villes !
Sinon par le démon l'esprit serait distrait.
Tournez-vous en vous-même.
A l'heure de produire l'effort d'une méditation assidue,
Gardez présente l'idée du jour imprévu de la mort
Et le souvenir des sanctions du cycle des existences !
Sans vous remémorer les désirs de cette vie,
Occupez-vous à produire la patience.
A l'heure de solliciter les instructions ésotériques,
N'accroissez pas votre aspiration au savoir !
Car vous renforceriez la tentation du plaisir
Et votre vie s'épuiserait dans le néant.
Comportez-vous avec humilité.
A l'heure d'engendrer les diverses phases d'expérience et de réalisation,
Pas besoin de parader, n'étalez pas d'auto-complaisance !
Car en parlant vous dérangeriez les Mères et les Dakinis.
Recueillez-vous dans une méditation attentive.
A l'heure de rejoindre la compagnie du Guru,
Ne pesez pas ses défauts, ses qualités, le bien et le mal !
Car vous le verriez comme un tissu d'imperfections.
Développez la faculté d'une pure vision.
A l'heure de vous asseoir avec vos frères spirituels,
N'espérez pas présider au bénéfice de l'âge !
Votre voeu serait ainsi troublé par la passion.
Conduisez-vous de manière à susciter l'harmonie.
A l'heure de solliciter l'aumône dans les campagnes,
Ne tournez pas la tête des gens avec vos intrigues !
Car vous tomberiez en des mondes de détresse.
Par des actions correctes, gardez-vous vous-même.
En outre, à toute heure et dans tous les cas,
Ne déployez aucun égoïsme, ne vous valorisez pas !
Car dans son aspect le Dharma en serait perverti.
Abandonnez l'imposture, la ruse et le mensonge.
Afin que les êtres se dirigent eux-mêmes,
Pour le profit des autres et de soi-même,
Ces instructions bienveillantes sont données.
"Le don " est ainsi retenu dans le centre du cœur.
CLE de la VUE, de la MEDITATION et de l'ACTION
Ah ! La façon de Voir, de Méditer et d'Agir du Lama !
Qu'il m'accorde la demeure de l'originel !
Le monde visible existe, mais contenu en l'esprit.
La vraie nature de l'esprit appartient à la clarté.
Cela est, sans qu'on l'identifie concrètement.
Voici l'énoncé des trois clés de la vue.
L'imagination existe et s'échappe dans le Corps de Dharma.
Le savoir lucide appartient à la félicité.
Cela est quand on s'établit dans la sérénité primordiale.
Voici l'énoncé des trois clés de la méditation.
Les dix vertus apparaissent dans la spontanéité des actes.
Les dix souillures intrinsèquement se purifient.
Il n'y a plus à modifier les apparences par des expédients.
Voici l'énoncé des trois clés de l'action.
Il n'y a pas de nirvâna à parfaire plus loin.
Il n'y a pas de samsâra à abandonner autre part.
L'esprit se détermine à être le Bouddha.
Voici l'énoncé des trois clés de l'accomplissement.
Réunissez ces trois clés en une
Qui sera le sésame de la vraie réalité.
Celui qui la tourne agira avec un excellent Guru.
Trop examiner les détails ne sera pas approprié.
Réaliser l'ensemble se révèlera adéquat.
Cette richesse commune aux pratiquants de la Loi,
S'est levée en l'esprit du yogi.
Qu'elle réjouisse le cœur de mes disciples !
LES MULTIPLES GUIDES
Le Lama, les instructions, le disciple,
La persévérance, la patience, la foi,
La sagesse, la compassion, l'origine humaine
Sont des guides continuels.
L'ermitage sans bruyante agitation
Est le guide qui protège la concentration.
Le Maître vénéré, Guru accompli,
Voilà le guide qui dissipe l'obscurité.
La conviction sans plainte ni lassitude
Guide vers les mondes supérieurs.
La réflexion sur les organes des sens
Est le guide qui les délivre de leurs objets.
Les instructions du Lama Kagyüd
Guident vers la découverte des trois corps d'un Bouddha.
Terre de refuge, les Trois excellents Protecteurs
Sont des guides sans illusion.
Conduit par ces six guides,
Le yogi s'en ira vers la grande plaine de félicité.
Il séjournera dans la sphère de totale inactivité des constructions mentales,
Heureux de sa propre connaissance, de son échappée,
Confiant en ses capacités d'appréhender la vérité et la compréhension décisive.
En cette vallée déserte du royaume,
Le yogi clame son chant d'allégresse avec la force du tonnerre.
La pluie de la renommée tombe dans les dix directions,
Les fleurs de la compassion déploient leurs feuillages,
Le fruit sublime de la bodhicitta mûrit.
Le pouvoir de l'Eveil embrasse tout l'Univers.
ENSEIGNEMENT PROFOND
Prêtez l'oreille avec attention !
Je réponds à la bonté du Guru par ma pratique,
Qu'il m'accorde la libération et le salut !
Pour vous ici présents, adeptes favorisés,
Je chante un enseignement profond.
Prêtez l'oreille avec attention !
Au sommet des montagnes, la blanche lionne des glaces
Se tient fièrement assise dans les neiges éternelles.
Elle ne ressent aucune crainte,
Car sa tradition de bravoure
Est de se tenir dans les massifs enneigés.
L'oiseau-roi de la roche rouge, le vautour,
Etend ses larges ailes dans l'espace du ciel.
Il ne craint pas de tomber aux abîmes,
Car sa tradition de bravoure
Est de fendre les hauteurs de l'azur.
Dans les dépressions de la rivière, en bas,
Le poisson aux reflets changeants s'entraîne à la rapidité.
Il ne craint pas de suffoquer dans les remous,
Car sa tradition de bravoure
Est de mouvoir vivement son corps ondoyant.
Aux branches des arbres des monts du Pays de Mön,
Les singes et leurs petits multiplient les acrobaties.
Ils ne craignent pas de s'écraser au sol,
Car leur disposition naturelle
Est de se livrer à toutes sortes de jeux.
Sous les ombrages des forêts profondes,
Le tigre rôde avec souplesse.
Il ne craint pas d'être surpris,
Car sa disposition naturelle
Est d'être arrogant du fait de son agilité.
Dans les bois de Singala,
Milarépa médite la Vacuité.
Il ne craint pas de perdre sa concentration,
Car sa tradition de bravoure
Est de prolonger longtemps sa méditation.
Dans le cercle parfaitement pur du dharmadhâtu,
L'expérience pratique qui est sans agitation
Ne craint pas les erreurs d'interprétation,
Car la coutume du brave
Est de se tenir au contact de cette sphère.
Ce leurre du doute et des obstacles
Pendant la circulation du fluide et du souffle dans les nadis,
N'est pas le signe d'un enseignement incorrect,
Mais celui de la vanité à vouloir promptement émerger.
Cette fluctuation des hauts et des bas
Dans la manière spontanée d'agir
N'est pas la manifestation de la dualité,
Mais le symptôme d'où émergent diverses évidences.
Cette vision de la forme propre aux vertus et aux vices
Dans la plénitude des capacités de la loi du karma,
N'est pas l'égarement de la méditation,
Mais une image véridique pour chacun révélée.
Ce peu de désir pour le monde
Des anachorètes maîtrisant leur pouvoir de méditation
N'est pas une aspiration qui s'exprime en paroles,
Mais l'évidence de l'inversion des passions présentes.
Pour moi le yogi qui suit la voie ésotérique,
La protection des grottes et des montagnes
N'est ni un non-sens ni de l'hypocrisie,
Mais volonté de me concentrer sur un seul point.
Ces nombreuses mélodies de l'homme vêtu de coton
Ne sont ni supercheries ni besoin de distraction,
Mais parole profonde d'un cœur bienfaisant
Pour l'assemblée des disciples qui possèdent la foi.
LES CIRCONSTANCES FAVORABLES
Je me prosterne aux pieds du Père, joyau qui exauce les souhaits.
Qu'il accorde au fils la trame des circonstances favorables !
Qu'il le conduise vers la connaissance certaine
Et dans la citadelle du Corps Divin !
A cause de ma peur, dans l'épouvante j'ai bâti un château.
Ce fut celui du Vide, celui de l'ultime réalité.
Sa destruction, je ne la redoute pas.
A cause du froid, dans ma peur j'ai cherché un vêtement.
Ce fut celui de la terrible chaleur mystique.
Le froid, je ne le redoute plus.
Par crainte de l'indigence, j'ai cherché la fortune.
J'ai découvert les sept sublimes richesses inépuisables.
La pauvreté, je ne la redoute plus.
Parce que j'appréhendais la faim, je me suis enquis de nourriture.
J'ai mangé dans l'intense contemplation de la réalité.
La faim, je ne la redoute plus.
Par peur de la soif, j'ai requis des boissons.
Mon breuvage fut l'alcool d'ambroisie de l'attention connaissante.
La soif, je ne la redoute plus.
Dans l'angoisse de l'ennui, j'ai cherché un ami.
Ce fut la félicité du courant continu de la vacuité.
La tristesse, je ne la redoute plus.
Inquiet de l'erreur, j'ai cherché une seule voie.
J'ai trouvé l'étendue de la fusion des chemins.
L'égarement, je ne le redoute plus.
Moi le yogi qui possède toutes les richesses possibles,
Où que je réside, je suis heureux.
Au Fort du Lion de Yölmo, dans la Grotte du Tigre,
J'ai involontairement fixé une limite à mes déplacements,
Car la tigresse rugissait affectueusement ;
A cause des jeux errants des petits fauves ma compassion est née,
Sans effort j'ai établi dans la méditation un esprit purifié.
La guenon criait plaintivement, à l'encontre de sa nature,
Aussi me suis-je involontairement installé dans le repentir ;
A cause de l'ardent tapage et des rires des petits singes,
Sans effort je me suis fixé dans le yoga de création.
Avec la voix tendre du coucou, si triste en son essence,
J'ai involontairement versé des larmes.
Avec le chant varié de l'alouette, si doux à l'oreille,
Sans effort je me suis installé dans le plaisir de l'écoute.
Tous les cris des corbeaux ou des corneilles
Sont bienfaisants et amicaux pour le yogi.
Je suis resté dans un tel lieu car j'y étais heureux spontanément.
Si je n'y avais pas même un ami, j'y serais heureux pourtant.
Que cette mélodie inspirée par la joie du yogi,
Disperse la souffrance des êtres humains !
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