dimanche 23 avril 2017

Le conte des deux prouesses - Henri Pourrat


Il y avait une fois dans la grande prison de Riom, deux braconniers qui s'ennuyaient, qui s'ennuyaient... A bâiller et à braire! Enfin, pour faire passer le temps, ils inventèrent de se conter leurs prouesses.
"Au fond de ces bois, dit l'un, qu'il y a dans les gorges de la Sioule, il m'est arrivé de tuer dix-huit sangliers en un jour.
- Dix-huit!
- Je compte pour sic une laie suitée, avec cinq marcassins, mais c'est dix-huit en tout.
- Moi dit l'autre, là-haut, à Pierre-sur-Haute même, j'ai tué une gélinotte des Alpes. Ces oiseaux-là, on ne peut même pas les approcher, tant c'est méfiant. On ne les a qu'au sifflet, en se postant à l'affût - je le tiens d'un Savoyard. Mais elle était branchée sur un sapin, à la cime de la montagne : je l'ai vue, elle ne m'a pas vu et je l'ai tuée.
- Oui... Eh bien! je ne crois pas à cette gélinotte.
- Pourquoi ça?
- Parce que, je connais le pays : à Pierre-sur-Haute, pas de sapins : rien que de l'herbe ou de la brande, et des monceaux de pierres. Tu m'en contes avec ton oiseau.
- Hé pauvre ami, je t'ai laissé tuer tes dis-huit sangliers dans les gorges de la Sioule : laisse-moi, au moins, une seule pauvre fois, tuer ma gélinotte à la cime de Pierre-sur-Haute!"

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